Comment un certain "mythe agraire" a-t-il fait des espaces paysans le lieu rêvé pour penser le progrès social ? De l'implantation rurale du Parti communiste français pendant l'entre-deux-guerres à la vague du retour à la terre des années 1970, retour sur deux modes de militantisme rural.
- Jean Vigreux Historien, professeur d'Histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne
- Catherine Rouvière Historienne, chercheuse associée au Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle - université Paris 1 Panthéon Sorbonne
En 1849 paraît La Démocratie, c'est l'inconnu ! quel titre ! Le livre est signé d’Alphonse Jobez, qui fut dans l’opposition sous la Monarchie de Juillet et qui devint fervent républicain en 1848. Il développe alors un grand intérêt pour le socialisme. Dans La Démocratie, c'est l'inconnu, il parle de "ces masses d’hommes passant sans cesse d’une aisance tolérable à une détresse affreuse, ces campagnes désertées pour le travail précaire des villes ; si l'on compare le progrès de l’industrie à celui si lent de notre agriculture, on ne tarde pas à se demander s’il n’y avait pas là des dangers vers lesquels courait en aveugle la société !" Dans cette course folle vers le progrès, quelle place pour les espaces ruraux et pour les paysans militants ?
Le Parti communiste français en terres paysannes
Au fil des siècles, les campagnes françaises ont été le laboratoire du progrès social. Dans l’entre-deux-guerres, le Parti communiste français comprend l’intérêt de s’implanter dans les terres paysannes. Renforcé par l’aide apportée par l’URSS à la Libération, le PCF devient rapidement le premier parti de France. Les paysans adhérents du mouvement défendent des idées conservatrices de maintien des petites propriétés agricoles et dynamisent les campagnes par la mise en place d’un folklore communiste paysan.
"L'idée est de proposer une réforme agraire et de donner la terre à ceux qui la travaillent", explique l'historien Jean Vigreux. "On le voit tout au long de l'histoire du XXe siècle : dans les années 1960, avec la modernisation agricole, le PCF dénonce l'action de la SAFER qui accapare les fermes pour créer de grands domaines."
Retour à la terre et "néo-ruraux"
Sous les Trente Glorieuses, les campagnes sont peu à peu désertées à cause de la tertiarisation de l’économie et d’un changement de modèle agricole. Portés par les idées de Mai 68, des militants des villes décident de retourner à la terre. Ces "néo-ruraux" investissent les campagnes qu'ils associent à l’idée de résistance et de lutte sociale pour créer un nouveau modèle de société à partir d'une idée refondée de la paysannerie.
"Les néo-ruraux, dans le sens où je les ai étudiés, désignent ceux qui quittent la ville ou qui reviennent après avoir fait un détour par la ville", explique l'historienne Catherine Rouvière. "Ils ont un projet 'idéologique', qui s'inscrit en contestation de la société dominante : une société libérale, de consommation, qui épuise les richesses et est inégalitaire. Il y a une volonté de résister et de proposer un autre modèle à l'échelle micro-locale, qui pourrait essaimer ensuite par l'exemplarité vers la société en général".
Aux côtés de nos invités, Catherine Rouvière et Jean Vigreux, partons à la rencontre de ces acteurs de la lutte sociale dont les trajectoires sont différentes mais se rejoignent dans l’utopie des campagnes françaises comme terreau d’un changement de société.
Nos invité·e·s
Catherine Rouvière est agrégée et docteure en histoire, chercheuse associée au Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (Paris 1 Panthéon-Sorbonne/CNRS). Elle est l'autrice de Retourner à la terre. L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960 (Presses universitaires de Rennes, 2015).
Jean Vigreux est professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne Franche-Comté. Il a notamment publié :
- Rino Della Negra, footballeur et partisan : vie, mort et mémoire d'un jeune footballeur du groupe Manouchian (avec Dimitri Manessis, Libertalia, 2022)
- Le Parti rouge. Une histoire du PCF (avec Roger Martelli et Serge Wolikow, Armand Colin, 2020)
- Le Congrès de Tours : 25 décembre-30 décembre 1920 (Éditions universitaires de Dijon, 2020)
- Le PCF, un parti global (1919-1989) : approches transnationales et comparées (co-dirigé avec Romain Ducoulombier, Éditions universitaires de Dijon, 2019)
- Histoire du Front populaire : l'échappée belle (Tallandier, 2016)
- La Faucille après le marteau : le communisme aux champs dans l'entre-deux-guerres (Presses universitaires de Franche-Comté, 2012)
- Le Front populaire : 1934-1938 (Presses universitaires de France, 2011)
Pour aller plus loin
Explorer les archives du PCF mises en ligne sur PANDOR, le Portail Archives Numériques et Données de la Recherche de l'université de Bourgogne et de la Maison des Sciences de l'Homme de Dijon (MSH Dijon).
Sons diffusés dans l'émission
- Archive : reportage dans le village de Tanaron en Provence - Actualités françaises, 6 mars 1947
- Archive : film d'actualité Breiz Nevez (Bretagne nouvelle) - Fonds audiovisuel du PCF, 1938
- Extrait : Don Camillo en Russie, film de Luigi Comencini, sorti en 1965, avec Fernandel
- Musique : Le Loir-et-Cher par Michel Delpech, 1989
- Montage d'archives : la France découvre les hippies (Aix-en-Provence en 1970, Festival d'Avignon en 1971, René Barjavel dans Les Dossiers de l'écran en 1973)
- Extrait : Quelques messieurs trop tranquilles, film de Georges Lautner, sorti en 1973
- Archive : Les Paysans, film documentaire de Robert Bozzi - Fonds audiovisuel du PCF, 1972
L'équipe
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