Pourquoi les musées ? : épisode 1/4 du podcast Histoire de musées

Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, vers 1796. Musée du Louvre. (Wikimédia).
Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, vers 1796. Musée du Louvre. (Wikimédia).
Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, vers 1796. Musée du Louvre. (Wikimédia).
Hubert Robert, Projet d'aménagement de la Grande Galerie du Louvre, vers 1796. Musée du Louvre. (Wikimédia).
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Les musées nous apparaissent comme des institutions ancestrales profondément inscrites dans nos univers culturels. Pourtant, leur avènement remonte au XVe siècle en Italie, avant de gagner timidement le reste de l'Europe. Comment et pourquoi ont été inventés les musées ?

Avec
  • Krzysztof Pomian historien, directeur de recherches honoraires au CNRS
  • Caroline Vrand

Qu’est-ce qu’un musée ? Selon Émile Littré, dans son Dictionnaire de la langue français, le musée a désigné le temple élevé aux Muses, ces neuf déesses qui, dans l’Antiquité, présidait à la création, aux arts. Depuis, le mot a changé de sens et le musée n’est plus le lieu où les muses s’amusent. Il n’est pas seulement une accumulation d’objets rares et d’objets d’arts, de sculptures, de peintures. Il est le lieu destiné à l’étude des Beaux-Arts, des Sciences et des Lettres. Surtout, les musées nous aident à comprendre ce que l’être humain a créé. Alors, profitons-en : les portes sont ouvertes pour visiter le musée et son histoire ! Xavier Mauduit

Les musées sont une invention récente. S’ils voient le jour à la fin du XVe siècle en Italie, ils mettent pourtant des siècles à se propager au-delà des Alpes. Avant cela, les trésors sont accumulés au gré des pillages, des guerres et des héritages, et forment des butins plutôt que des collections. Pourtant, à la fin du Moyen-Âge, le regard porté sur les œuvres change. Le personnage du collectionneur apparaît, et avec lui un regard nouveau qui privilégie l’esthétique et le savoir-faire à la simple accumulation de trésors. 

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Cette considération nouvelle pour les œuvres marque une laïcisation progressive des sociétés en même temps qu’un changement profond des mentalités et des pratiques. Les pratiques de cour deviennent le miroir des rivalités politiques, et l’art s’affirme comme un instrument privilégié d’exercice du pouvoir. Les goûts personnels s’affinent, on cherche désormais à conserver et à transmettre les œuvres, s’approchant peu à peu d’un regard muséal moderne. On préfère longtemps au musée les cabinets de merveilles et les collections particulières, avant qu’il ne devienne l’institution “inutile mais indispensable”, selon les mots de Krzysztof Pomian, que nous connaissons aujourd’hui. Inutile, car le musée ne produit rien et n’a pas de fonction apparente, mais indispensable car aucune société ne s’imagine aujourd’hui sans ce lieu qui lui permet de tisser des liens entre son passé et son avenir. Alors, à quoi sert un musée ? Qu’est ce qui distingue un musée d’une accumulation de trésors ? Plus encore, comment cette institution d’apparence dénuée de toute utilité s’est-elle répandue dans le monde entier ? 

Avec nous aujourd’hui pour répondre à ces questions Krzysztof Pomian, philosophe, essayiste et historien, directeur de recherche émérite au CNRS, il est spécialiste de l’histoire de la culture européenne, et de celle des collections d’art. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Des saintes reliques à l’art moderne. Venise-Chicago, XIIIe-XXe siècle (Gallimard, 2003), ou encore La révolution européenne, 1945-2007 (Perrin, 2008) et plus récemment d’une trilogie, _Le musée, une histoire mondial_e, dont le premier tome est paru le 1er octobre 2020 aux éditions Gallimard. Le second tome paraîtra au mois de mars 2021. 

Avec nous également Caroline Vrand, archiviste-paléographe, conservatrice du patrimoine chargée des estampes des XVe et XVIe siècles à la Bibliothèque Nationale de France, elle est également l’auteur d’une thèse soutenue en 2016 intitulée Les collections d'art d'Anne de Bretagne : au rythme de la vie de cour, et d’un ouvrage, Les collections d'art de François II et Anne de Bretagne. D'un trésor ducal a un trésor royal (Éditions Ducs de Bretagne, 2018).

"Le musée est une collection publique et séculière orienté indéfiniment vers l'avenir." Krzysztof Pomian

À la fin du XVe et au début du XVIe siècle, l'idée de la collection qui peut devenir publique s'impose peu à peu parce que les élites de la chrétienté latine des villes italiennes mais aussi rhénanes et flamandes, sont fascinées par l'Antiquité. La collection particulière qui est principalement centrée sur l'Antiquité se propage dans les milieux intellectuels depuis le milieu du XIVe siècle suivant le grand exemple de Pétrarque. La collection devient chose familière dans un certain milieu intellectuel. Parallèlement elle se développe dans les cours princières à partir du roi Charles V, roi de France, premier roi collectionneur et non pas seulement propriétaire du trésor (...) Ces deux milieux se rencontrent puisque les humanistes sont au service des princes. C'est dans ce bouillon de culture qu'apparaît un désir confus et au départ inexprimé de rendre publiques des collections qui étaient jusque-là particulières. Krzysztof Pomian

Vers 1400 dans le royaume de France, à l'époque de Charles V, nous sommes dans une période extraordinaire d'essor des collections royales et princières. C'est en effet une période de grande stabilité politique, de richesse pour le royaume et, les princes, ses frères, le roi se mettent à collectionner des œuvres d'art comme jamais le roi et la cour ne l'avait fait auparavant. Ensuite tout cela est freinée par un contexte politique interne troublé avec un roi Charles VI qui rapidement fait preuve de démence, il y a des conflits internes, des guerres civiles, la guerre de Cent Ans, toutes ces collections extraordinaires des années 1400 vont en fait disparaître, être assez rapidement dilapidées. Caroline Vrand

Sons diffusés :

  • Archive - 10/06/1967 - ORTF - Exposition Toutankhamon au Petit Palais avec Christiane Desroches Noblecourt, commissaire de l'exposition. 
  • Archive - André Malraux lit un extrait de son essai Les Voix du silence (1951).
  • Musique - À la cour d'Anne de Bretagne en 1505 : Filles à marier, Ensemble Claude Gervaise.
  • Lecture par Élodie Hubert d'un texte de Vespasiano da Bisticci décrivant la table d'un érudit florentin (1482).
  • Lecture par Élodie Hubert d'un texte de  Pierre Bergeret de Grandcourt qui raconte dans son journal sa visite de la galerie de Dresde (1770).

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