Épisode 3/4 : Quand la robe de bure devient bleu de travail

L’heure de l’oraison serait-elle aussi l’heure des commissions ? Le temps du recueillement serait-il celui du ravitaillement ? L’abbaye serait-elle une épicerie ? Aujourd’hui, nous glissons dans notre cabas une bouteille de bénédictine – liqueur de Fécamp, en Normandie, à savourer avec modération –, quelques bières trappistes évidemment, la Chimay, l’Orval, la Rochefort. Des fromages aussi : un Belval, de l’abbaye de Belval dans le Pas-de-Calais, ou un Campénéac de l’abbaye de la Joie-Notre-Dame à Campénéac, en Bretagne. Vin, sel, vinaigre, pâtés, miel évidemment, bonbons, confitures, des tisanes, des biscuits, il est possible de trouver un peu de tout, et de qualité, dans les boutiques des monastères : des bougies, des porte-clés, des masques prophylactiques. Avec, au moment de passer à la caisse, une pensée émue pour saint Benoît et sa règle monastique du VIe siècle qui accorde une grande attention au travail manuel, car les moines troquent souvent leur robe de bure pour un bleu de travail. Décidément, l’habit ne fait pas le moine.

Avec Odon Hurel, historien, spécialiste du monachisme bénédictin. Il est directeur de recherche au CNRS, directeur adjoint du Laboratoire d’études sur les monothéismes.

Il a notamment publié : Saint Benoît  (Perrin, 2019) et Prières des bénédictins XVIe – XXe siècle (Seuil, 2010).

Saint Benoît apparait à un moment où en occident les règles monastiques se développent de plus en plus mais Benoît a réussi à faire une règle extrêmement pragmatique : il va dans les détails mais pas trop, c’est-à-dire qu’elle est transposable. Il a fondé des monastères, il n’a pas fondé l’ordre bénédictin, il ne s’est pas dit « je vais fonder un ordre monastique » car ça n’existe pas à l’époque. Odon Hurel

« L’oisiveté est l’ennemi de l’âme » :

Il faut occuper le moine mais il faut l’occuper pour qu’il puisse faire ce qu’il peut faire, il faut faire en sorte qu’il s’épanouisse dans le travail donc il faut lui trouver des occupations, et elles sont multiples dans un monastère, pour pouvoir se recentrer sur sa promesse de vie monastique. C’est la stabilité dans un même lieu pour toute la vie. Odon Hurel

Travail intellectuel et travail manuel :

Le travail manuel n’est pas du tout dévalorisé et c’est extrêmement important dans la vie monastique parce qu’on a souvent l’image des moines dans leur scriptorium, des copistes, ceux qui transmettent le savoir, qui ont des bibliothèques immenses surtout à la période moderne avec l’imprimerie et à la période contemporaine. Cela, c’est tout à fait vrai mais on oublie que le travail des moines ce n’est pas seulement cela, c’est aussi le travail aux champs, l’entretien des vergers, de repeindre des cellules… Des choses qui ont la même valeur parce qu’elles permettent de faire en sorte que chaque moine ait une utilité, se sente utile à la communauté, et pour sa vie et pour la vie du monastère. Odon Hurel

Sons diffusés :

• Lecture par Élodie Huber d’un extrait des Dialogues de Saint-Grégoire le Grand, la règle de saint Benoît.
• Lecture par Michael Lonsdale d’un extrait de La Règle saint Benoît, 1995 Éditions JADE. 
• Archive – 28/10/1964 -  Actualités Françaises – Le Pape Paul VI consacre l’abbaye reconstruite après la Guerre à Montecassino. 
• Archive – 01/04/1972 – ORTF – Chez les moines artisans de l'abbaye Saint Benoît d’En-Calcat dans le Tarn.
• Musique - Sœur sourire, Dominique, 1962.