Qui a peur du grand déclassement ? : épisode 4/4 du podcast Tant qu’il y aura des riches, une histoire des inégalités

Photo de la comédie musicale "Queen High" jouée au Queen's Theatre à Londres en 1936.
Photo de la comédie musicale "Queen High" jouée au Queen's Theatre à Londres en 1936. ©Getty
Photo de la comédie musicale "Queen High" jouée au Queen's Theatre à Londres en 1936. ©Getty
Photo de la comédie musicale "Queen High" jouée au Queen's Theatre à Londres en 1936. ©Getty
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Le déclassement est appréhendé avec effroi, car aller à contre-courant de l’élévation sociale est considéré comme un échec de vie. Déclassement, dégradation, déchéance brisent des ascensions acquises parfois de haute lutte : il y a menace sur les lignages !

Avec
  • Claude-sabelle Brelot Professeure émérite en histoire contemporaine à l'Université Lyon II - Lumière.
  • Louis Chauvel Sociologue Professeur des Universités à Sciences –Po Paris Membre de l’Institut Universitaire de France

Qui a peur du grand déclassement ? Tout le monde craint de perdre sa position sociale pour une autre, inférieure. La métaphore est celle de l’ascenseur social, qui parfois monte et qui parfois descend. C’est le cas dans « Le Père Goriot », le roman d’Honoré de Balzac en 1842 : le père Goriot connaît le déclassement quand Rastignac est en ascension. Pourtant, chez Balzac, il n’est pas question d’ascenseur social : la machine n’existait pas encore. Alors empruntons l’escalier social… Xavier Mauduit

Quand il apparaît de plus en plus compliqué de parvenir à une élévation de son niveau de vie, le risque de déclassement est un péril imminent pour les membres des classes moyennes et populaires. Cette peur légitime du déclassement ne recouvre pas qu’une réalité économique. Être déchu de son statut social est une expérience de détresse et de frustration. Le déclassement est toujours un phénomène symbolique et moral, auquel ont été confrontés les nobles au lendemain de la Révolution française. Les solidarités et les repères qui façonnaient leur monde n’existent plus et il s’agit désormais d’éviter l’affliction et la honte d’un déclassement.
Après la Seconde Guerre mondiale, les classes moyennes sont présentées comme l’étendard du paradis social à venir. Promises à des vies plus confortables et à des emplois plus qualifiés, ces couches de la population étaient appelées à symboliser le progrès et l’abondance dans une société enfin en paix. Avec la difficulté de l’accès au patrimoine, avec la perte de valeur des titres scolaires, avec la stagnation économique globale, les baby-boomers voient leurs enfants, souvent plus diplômés et qualifiés qu’eux, mener des vies plus inconfortables et précaires. Quels facteurs favorisent le déclassement des individus ? Quelles stratégies mettre en œuvre pour échapper à ce sort ? Cette déchéance économique et symbolique peut-elle jamais être réversible ?

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Avec Louis Chauvel, sociologue, professeur à l’Université du Luxembourg. Il est l'auteur de Les classes moyennes à la dérive (Seuil, 2006) et de La spirale du déclassement, Essai sur la société des illusions (Seuil, 2016). Il est préfacier d' Une histoire des inégalités. De l'âge de Pierre au XXIe siècle de Walter Scheidel (Actes Sud, 2021). 

Et Claude-Isabelle Brelot, professeure émérite en histoire contemporaine à l'Université Lyon II - Lumière. Elle est l'autrice de La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870 (Belles Lettres, 1992) et du chapitre "Nobles français dans la spirale du déclassement (1780-1860)" dans l'ouvrage dirigé par M. Barbot, J.-F. Chauvard et S.Levati L'expérience du déclassement social. France-Italie, XVIe-Premier XIXe siècle (Publications de l’École française de Rome, 2021).

Sous le règne de Louis XIV, les édits de Colbert ont mis en œuvre la grande réformation de la noblesse qui précisément visait à repérer ceux qui s'étaient déclassés et ceux qui était entrés. La noblesse n'est pas un groupe social verrouillé, défini une fois pour toute, on peut y accéder, on peut aussi la perdre. La noblesse est une nébuleuse compliquée aux contours flous, mouvants, poreux et il y a d'incessants mouvements d'entrée et de sortie sur ces contours flous de la nébuleuse nobiliaire. Claude-Isabelle Brelot

Sons diffusés :

  • Extrait du film Si Versailles m'était conté (1954) réalisé par Sacha Guitry. 
  • Extrait du Père Goriot d'Honoré de Balzac (1842), série Visages de l'Homme, Label L'encyclopédie Sonore (1971) avec Jean-Paul Moulinot. 
  • Archive - 08/09/1981- Antenne 2 - Les dossiers de l'écran - Pierre-Jakez Helias, auteur du roman Le Cheval d'orgueil, s'exprime sur le déclassement des instituteurs. 
  • Musique - McFly et Carlito - OK boomer

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