Qu'est-ce que l'Empire moghole ? Exemple rare d'un État musulman dans lequel l'islam était minoritaire, comment le discours nationaliste hindou l'instrumentalise-t-il aujourd'hui ? Le Cours de l'histoire remonte aujourd'hui jusqu'aux racines indiennes ...
- Harit Joshi maître de conférences en hindi à l’INALCO
- Corinne Lefèvre chargée de recherches au CNRS, et membre du Centre d'Études - Inde - Asie du Sud (CEIAS)
La carte postale est sublime. C'est un palais de marbre blanc, plus exactement un double palais, car il se reflète dans l'eau du bassin qui s'étend à ses pieds. Le Taj Mahal est un trésor incontesté de l'humanité où tout est équilibre, pureté, sérénité. Quel mausolée peut se vanter de faire autant rêver ? Il s'agit d'un mausolée que l'empereur moghol a fait construire en souvenir de son épouse adorée, morte trop jeune comme il se doit. Puisqu'il magnifie l'amour, puisque sa beauté est insaisissable, le Taj Mahal est compréhensible par tous, quelles que soient les cultures et les religions. Pourtant, ce fleuron du patrimoine de l'Inde, ce trésor né sous l'empire moghol, est un enjeu politique dans un pays qui connaît actuellement une poussée nationaliste qui, comme toujours, instrumentalise l'histoire. Mais qui veut donc la peau du Taj Mahal ?
Nous recevons ce matin Corinne Lefèvre, chargée de recherches au CNRS, et membre du Centre d'Études - Inde - Asie du Sud (CEIAS). Elle est notamment l’auteure de Pouvoir impérial et élites dans l’Inde moghole de Jahāngīr (1605-1627), aux éditions Les Indes Savantes, en 2017 et a co-dirigé Histoire des pays d’Islam. De la conquête de Constantinople à l'âge des révolutions, chez Armand Colin, en 2018
Le nom "moghole" c'est un terme que les Mogholes n'utilisaient jamais pour parler d'eux-mêmes. C'est une traduction en persan, langue de culture et d'administration de l'Empire, du terme "mongol". Car les Mogholes de l'Inde étaient des Turco-mongols qui descendaient de deux grands conquérants : le Turc Tamerlan et le Mongol Gengis Khan. Corinne Lefèvre
L'Islam était déjà présente en l'Inde avant le XVIème siècle. Et pas seulement en Inde du Nord. Les premières implantations musulmanes remontent à peu de temps après la création de l'Islam. Ce fut d'abord des communautés marchandes littorales sur la côte occidentale de l'Inde, et puis surtout à partir du XIème siècle, venant du nord ouest, des cavaliers turcs qui vont commencer à s'implanter à Lahore, puis à Delhi, et donner naissance au précurseur de l'empire moghole : le sultanat de Delhi, du début du XIIème siècle jusqu'à l'avènement de l'empire moghol au XVIème siècle. Mais il est vrai que c'est l'Inde Nord en majorité, qui est sous l'influence musulmane à partir du XIème siècle. Corinne Lefèvre
Nous serons également en compagnie de Harit Joshi, maître de conférences en hindi à l’INALCO, où il enseigne également l’histoire de l’Inde ancienne et médiévale. Il est le co-auteur de Ville et fleuve en Asie du Sud. Regards croisés, aux édition de l'Inalco, en 2014.
La plupart des historiens sont d'accord sur le fait que les souverains mogholes sont certes des gens venus d'ailleurs, mais qui vont assez vite "s'indianiser" en quelque sorte. Par exemple les successeurs de Babur, et notamment son petit fils Akbar, qui est sans doute le plus grand sultan-empereur que l'Inde n'ait jamais connu au moins parmi les dynasties musulmanes, c'est un personnage qui affirme avec fierté le fait qu'il est indien, même si ses ancêtres viennent d'ailleurs. Donc accuser, tel que le font les nationalistes, les mogholes d'être des "méchants" qui sont venus d'ailleurs, qui ont réduit la population indienne en quasi esclavage, est un discours erroné. Harit Joshi
Sons diffusés :
Archives :
- Les grandes batailles du passé, réaliser par François Villiers, diffusé sur France 3, le 06/08/1976
- Alfred Foucher dans Heure de culture Française, Radiodiffusion Télévision Française, le 24/10/1949
- Extrait du film Jodhaa Akbar, d’Ashutosh Gowariker
Lecture par Olivier Martinaud :
- Autobiographie de Jahangir, 1605-1627
- Voyage de Edouard Terri, aux Indes orientales d’Edward Terry, publié chez J. Langlois (1663)
Musique : Bhaag jaga do hamare nizamuddin auliya par Nizami Bandhu
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