Raphaël et ses élèves, à Chantilly : épisode 2/4 du podcast Artistes confinés dans leur exposition

Raphaël, Étude pour la Dispute du Saint Sacrement : vingt clercs et ecclésiastiques discutant.
Raphaël, Étude pour la Dispute du Saint Sacrement : vingt clercs et ecclésiastiques discutant.  - © RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly / Gérard Blot
Raphaël, Étude pour la Dispute du Saint Sacrement : vingt clercs et ecclésiastiques discutant. - © RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly / Gérard Blot
Raphaël, Étude pour la Dispute du Saint Sacrement : vingt clercs et ecclésiastiques discutant. - © RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly / Gérard Blot
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Dans quelle mesure l’exposition consacrée à Raphaël au château de Chantilly est-elle un événement inédit ? Pourquoi constitue-t-elle, au delà d’une rétrospective de l’oeuvre du peintre, une porte ouverte sur une histoire plus globale de la Renaissance italienne ?

Avec
  • Mathieu Deldicque Docteur en histoire de l’art, Conservateur du patrimoine au musée Condé

En 1821 paraît Le cuisinier économe, un livre de cuisine… Les amateurs de desserts et de pâtisseries y trouveront de fabuleuses recettes. Celle-ci par exemple :

"On a dans une terrine de grès la quantité de crème dont on a besoin, et un blanc d'œuf frais ; on met dans une terrine de la glace pilée, dans laquelle on a jeté une poignée de sel ; on place la crème dessus ; on la fouette avec un balai d’osier, jusqu'à ce qu’elle soit bien prise."

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Nous voici avec une crème fouettée à la chantilly… chantilly comme une manière de faire. Ainsi, Le cuisinier économe en 1821 propose un fromage à la Chantilly et même un potage à la Chantilly, en réalité une purée de lentille avec des croutons frits ! L’attention portée l’art culinaire se développe au 19e siècle, quand est inventée la gastronomie, l’art du goût, l’art de parler de la bonne chère. 

Un an après la parution du cuisinier économe, en 1822 donc, naît le prince Henri d’Orléans, duc d’Aumale, qui hérite à l’âge de 8 ans du magnifique domaine de Chantilly, au Nord de Paris… Son goût le porte à collectionner non pas les recettes de cuisines, mais les œuvres d’art… et, puisqu’il est riche, il n’est pas économe ! Il recherche des œuvres du peintre Raphaël, considéré, au 19e siècle, comme le summum des artistes. La collection est toujours là, dans son domaine légué à l’Institut de France… Alors, que vaut le Raphaël à la Chantilly ? La recette donne envie !

Nous recevons ce matin Mathieu Deldicque, conservateur du patrimoine au musée Condé, il est le commissaire de l’exposition “ Raphaël, le maître et ses élèves”, organisée à l'occasion des 500 ans de la mort de Raphaël (1483-1520), elle devait se tenir du 7 mars au 5 juillet 2020 au Cabinet d'Arts Graphiques du Domaine de Chantilly. Du fait de la crise sanitaire actuelle, l’exposition a dû fermer ses portes. Une visite virtuelle, conduite par Mathieu Deldicque a toutefois été mise en ligne sur Youtube. Une réouverture est prévue pour le 21 mai, et l’exposition sera ouverte aux visiteurs jusqu’au 30 août 2020.

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L'un de ses premiers biographes, Giorgio Vasari, au XVIe siècle, dit à l'occasion de la mort de Raphaël : "Quand ce noble artiste mourut, la peinture pouvait bien mourir elle aussi, puisque quand ils ferment les yeux, elle devient presque aveugle". C'est une phrase assez importante, riche de sens, qui montre que Raphaël avait bouleversé le cours de l'histoire de l'art et qu'après lui les choses ne seraient plus du tout pareil. Que ce soit en termes de dessin ou de peinture. Et cette fortune, cette réputation a perduré jusqu'à jusqu'à nos jours. Même si on parle beaucoup de Léonard de Vinci - on en a parlé l'année dernière - Raphaël reste finalement l'un des grands astres de la Renaissance italienne et même de la Renaissance tout court. Mathieu Deldicque

Lorsqu'on voit Raphaël, on a l'impression de voir une sorte de perfection divine - c'est dans les textes, dès le XVIe siècle - une sorte de peinture harmonieuse et facile. Mais lorsque l'on étudie sa manière, notamment aussi ses dessins, on entre dans la tête et dans la main de Raphaël. On voit alors que c'est un artiste extrêmement perfectionniste qui va élaborer des dizaines et des dizaines de dessins pour aboutir à un tableau, une harmonie et une composition qu'il juge satisfaisante. Et finalement, c'est assez émouvant de voir le processus créatif d'un tel génie. Ce qu'on peut voir aussi, c'est que Raphaël, c'est vraiment aussi le fils de son temps, le fils de la Renaissance italienne, qui va tout au long de sa carrière, évoluer, s'alimenter, être influencé par les grands exemples qui l'entourent. C'est un artiste à la croisée de bien des aspirations d'une période fascinante qui est celle de la Renaissance.  Mathieu Deldicque

C'est véritablement Rome qui a fait Raphaël. Raphaël arrive à Rome en 1508, appelé par le pape Jules II, un pape de la Renaissance extrêmement ambitieux, qui va vouloir faire de Saint-Pierre de Rome et du Vatican la lumière de l'Europe. Raphaël va être embauché dans ce grand chantier que sont les chambres du Vatican, où il va réinventer l'art de son temps de pièce en pièce, avec toutes ces fresques extrêmement complexes au niveau iconographique, mais aussi complexe au niveau artistique. Et c'est là que Raphaël, à la tête d'un atelier qui va être pléthorique, va réinventer l'art de la Renaissance italienne avec un dynamisme, avec un sens de la tridimensionnel, de l'espace, de l'histoire aussi. Et ça va être une chose assez bouleversante, qui va s'éteindre avec sa mort en 1520. Mathieu Deldicque

Sons diffusés : 

Archives : 

  • Daniel Arasse dans Un goût d'idéal, sur France Culture, le 28 août 1992
  • Extrait d'une fiction radiophonique de France Culture, diffusée le 9 juillet 1987
  • L'art maniériste, formes et symboles 1520-1620, émission Des talents et des gens, sur France 3, le 3 février 1978 

Musique : Le congrès des Chérubins, de Juliette

Générique de l'émission : Origami de Rone

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