Six pieds sous terre, pratiques funéraires : épisode 2/4 du podcast La mort et nous

Quand notre cimetière contemporain a-t-il vu le jour ?
Quand notre cimetière contemporain a-t-il vu le jour ?  ©Getty -  David Turnley
Quand notre cimetière contemporain a-t-il vu le jour ? ©Getty - David Turnley
Quand notre cimetière contemporain a-t-il vu le jour ? ©Getty - David Turnley
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Construit au XIXe siècle pour combattre l’insalubrité des sépultures, l’édification de cimetières modernisés a fait évoluer les rites funéraires et contribua à la généralisation des cercueils individuels. Comment ces nouvelles pratiques ont-elles modifié la relation entre les morts et les vivants ?

Avec
  • Juliette Cazes conseiller funéraire et fondatrice du média Le Bizarreum
  • Régis Bertrand historien, professeur à l'Université d'Aix-Marseille
  • Stéphanie Sauget Professeure en histoire contemporaine à l’université de Tours

On a tous des souvenirs d’enterrements, tristes à pleurer, sous une petite pluie hostile, ou terrible et glacial , les pieds et le cœur gelés,  en public, ou dans la stricte intimité, clairsemés, ou au contraire de grandes foules bizarrement joyeuses comme un soleil d’été qui vous coupe le souffle, il y a les discours qui déraillent, la voix qui se brise, ou parfois rien, pas l’ombre d’une émotion et on se dit alors, qu’on reviendra plus tard,  rendre visite à nos morts et on se prendra à laisser les pensées vagabonder sous les arbres du cimetière, comme portées par une vague romantique, on se perdra dans les allées, on respirera les grappes de lilas et on rêvera en regardant les épitaphes et les photos à demie effacées sur les pierre tombales… Mais comment ces paysage et ces usages qui nous semblent immuables se sont constitués ? (Perrine Kervran)

Le 10 mars 1776, Louis XVI interdit l’inhumation dans les lieux de culte et impose le transfert des cimetières hors des enceintes. Quelques années plus tard, le décret du 23 prairial an XII généralise et précise les principes posés par la déclaration royale. Ces deux textes sous-tendent la véritable révolution que connaissent les cimetières au XIXème siècle.

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Le Père-Lachaise, ouvert au public en 1804, est le prototype de ces cimetières d’un genre nouveau : il est empli de verdure, de longues allées sont tracées, d’imposantes statues rendent hommage aux défunts les plus fortunés… Un paysage funèbre se construit. Il est révélateur de la double fonction que prend le cimetière au XIXe siècle : il devient à la espace de circulation en plus d’être un lieu d’inhumation. Les visiteurs se rendent aux cimetières pour commémorer leurs morts en déposant des fleurs sur leurs tombeaux, les curieux s’y baladent…

Nous vous proposons de revenir aux origines du cimetière contemporain afin de retracer sa genèse. Son apparition a-t-elle redéfini les rapports entre les morts et les vivants ? A-t-elle été la source de nouvelles pratiques funéraires ?

En compagnie de Régis Bertrand, professeur émérite d'histoire moderne à l'université d'Aix-Marseille et membre de l’UMR Telemme de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme. Il a notamment dirigé avec Anne Carol l'ouvrage collectif Aux origines des cimetières contemporains : Les réformes funéraires de l’Europe occidentale (Presses Universitaires de Provence, 2016) et co-écrit avec Guénola Groud, Cimetières et tombeaux : Patrimoine funéraire français (Éditions du Patrimoine, 2016).

Stéphanie Sauget, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Tours. Elle est l'autrice de « La mise en place d’un marché funéraire du cercueil à Paris au XIXe siècle » publié dans les Annales de démographie historique (vol. 133, no. 1, 2017), et « La mort de plus en plus proche. Rencontre autour de nos aïeux. Mélanges d’archéologie, d’histoire, d’anthropologie, de sociologie et de médecine légale » dans la publication des Actes des 8e rencontres (2018) du Groupe d'anthropologie et et d'archéologie funéraire (GAAF).

Et Juliette Cazes, fondatrice du média Le Bizarreum, qui vulgarise l’étude de la mort. Récemment, elle a publié Funèbre ! Tour du monde des rites qui mènent vers l’autre monde (Éditions du Trésor, 2020).

Le cimetière contemporain, comme le Père-Lachaise (ouvert en 1804) se différencie du cimetière fermé et confessionnel d’Ancien Régime : il est ouvert au public, la terre de circulation et la terre d’inhumation sont distinctes ce qui permet aux concessions de se multiplier. À cette période, on note également le développement de la fleuraison des tombes. (Régis Bertrand)

Le cercueil existe depuis l’Antiquité. Étymologiquement, il est le contenant funéraire qui doit permettre à la consommation des chairs, parmi d’autres à l’instar du sarcophage, du cercueil en plomb, du vase… (Stéphanie Sauget)

Le déménagement des cimetières hors du centre-ville va permettre la généralisation du cercueil, qui va de pair avec une individualisation croissante de la mort. En effet, au-delà de la facilité évidente pour le transport, la refonte législative des pompes funèbres facilite la création massive de fosses individuelles. (Stéphanie Sauget)

Dans les archives, on documente deux peurs récurrentes à partir de la Renaissance : l’inhumation vivante et le vol de cadavres. Ce dernier est intimement lié à la médecine et à la dissection. En Grande-Bretagne surtout, la législation sur l’anatomie n’est pas respectée et une économie souterraine du cadavre se développe rapidement. (Juliette Cazes)

Sons diffusés :

Archive - Les fouilles de Civaux - FR3 Poitou-Charentes - 23/09/1966.

Archive - Croque mort. Une façon de vivre : les pompes funèbres - FR3 Nord - 24/03/1979.

Extrait - Épisode 4 de la saison 1 de la série télévisée américaine The Killing.

Archive - Les Archives nationales - Paris vous parle - RTF - 24/03/1954.

Extrait - Monty Python, S_acré Graal_ de Terry Jones et Terry Gilliam (1975).

Lecture - Les Misérables de Victor Hugo (1862), lu par Olivier Martinaud. 

Lecture - L’inhumation p_rématuré_ de Edgar Allan Poe (1844), lu par Olivier Martinaud.

Autre référence : Paul Salmona, Archéologie du Judaïsme en France, éditions La Découverte, 2011.

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