Trente ans après, comment agissent encore les archives de la Stasi sur la société allemande ? : épisode • 3/5 du podcast 1989, la fin des certitudes

vue de centaines de dossiers rangés dans les archives de l'ancienne police secrète est-allemande, la Stasi, le 17 septembre 2014 à Berlin
vue de centaines de dossiers rangés dans les archives de l'ancienne police secrète est-allemande, la Stasi, le 17 septembre 2014 à Berlin ©Getty -  Carsten Koall / Intermittent
vue de centaines de dossiers rangés dans les archives de l'ancienne police secrète est-allemande, la Stasi, le 17 septembre 2014 à Berlin ©Getty - Carsten Koall / Intermittent
vue de centaines de dossiers rangés dans les archives de l'ancienne police secrète est-allemande, la Stasi, le 17 septembre 2014 à Berlin ©Getty - Carsten Koall / Intermittent
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Ouvertes au lendemain de la chute du mur, les archives de la police politique est-allemande ont révélé une société sous surveillance. Trente ans après, qu'a-t-on appris de ces révélations et comment agissent-elles encore aujourd'hui sur la société allemande ?

Avec
  • Emmanuel Droit Professeur d'histoire contemporaine à Sciences Po Strasbourg, et spécialiste de l’Histoire de l’Allemagne et notamment de la RDA
  • Jean Mortier Maître de conférences émérite en études germaniques de l'Université Paris 8

Pendant 40 ans, ils ont tendu l’oreille. Ils ont tout écouté : les discours, les conservations, les murmures…

Pendant 40 ans, ils ont ouvert les yeux. Ils ont tout observé : les déplacements, les rencontres, les amours…

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La police politique d’Allemagne de l’est, la Stasi, a été créée en 1950, dans la foulée de la RDA. Des dizaines de milliers d’agents, encore plus d’indicateurs, ont espionné tout un pays. Après 1989 et la chute du mur, la Stasi disparaît, à l’instar du régime dont elle est consubstantielle…

Pourtant, la Stasi ne s’évapore pas dans le mouvement de l’histoire : elle laisse des traces ! Dans les mémoires bien sûr, mais pas seulement : pendant 40 ans, ils ont tout noté, enregistré, retranscrit… Aujourd’hui, si nous avons le goût de l’archive, c’est le goût amer des archives de la Stasi !

Dans la première partie de l'émission, Emmanuel Droit, professeur d'histoire contemporaine à Sciences Po Strasbourg, auteur de La Stasi à l’école, Surveiller pour éduquer en RDA (1950-1989), éditions Nouveau Monde, 2009.

La Stasi n’observait pas tout, elle n’écoutait pas tout. Elle observait tout ce qui était en lien avec une personne ou un groupe donné à un moment donné, quand elle avait décidé d’ouvrir un processus de surveillance. Parce que si on dit que la Stasi a tout surveillé, tout entendu, on reproduit le mythe qu’elle laissait courir, c’est-à-dire le mythe d’une toute-puissance, ce qui n’était pas forcément le cas. Emmanuel Droit

La Stasi devient un argument de propagande, qui devient dans le cadre du champ politique réunifié une arme mémorielle utilisée pour stigmatiser une personnalité politique, voire l’éliminer complètement vu sa charge symbolique très négative : quand on découvre, par exemple, que l’un des fondateur du SPD est-allemand - et l’une des grandes figures du mouvement civique de 1989 - travaillait pour la Stasi. Si vous faites une veille sur les réseaux sociaux allemands, vous verrez les thèses les plus folles circuler sur Angela Merkel qui aurait travaillé pour la Stasi sous le nom de code d'Erika. Dans le cadre de la réunification, c'est devenu une arme pour éliminer politiquement telle ou telle personne, et d'ailleurs on retrouve ce même procédé en Pologne ou en République tchèque. Emmanuel Droit

Dans la seconde partie de l'émission, nous recevons Jean Mortier, maître de conférences émérite en études germaniques de l'Université Paris 8. Il a rédigé un commentaire de l’autobiographie So wie ich. Autobiographie de la musicienne Uschi Bruning (avec la collaboration de l’historienne Krista Maria Schädlich), éditions Ullstein, 2019.
Uschi Bruning était musicienne de jazz en RDA. Jouant une musique peu acceptée par les autorités en place, elle a fait l'objet d'un dossier à la Stasi. C'est lorsque la musicienne a voulu rédigé son autobiographie qu'elle en a découvert le contenu...

Uschi Bruning fait partie de ces personnes qui n’ont pas été terrorisées par la Stasi. Elle savait sans doute, encore que ça n’apparaisse pas dans les premières pages de son autobiographie, qu’il y avait des observateurs, elle savait que ses conversations téléphoniques avec sa sœur à l’Ouest étaient écoutées, tout le monde la savait d’ailleurs. Mais ce n’est qu’après coup qu’elle a découvert que des dossiers avaient été ouverts à son nom, qu’elle avait sur le dos un nombre non négligeable de « IM » c’est-à-dire d’indicateurs qui remettaient régulièrement des rapports - parfois très intimes - qui prouvent que l’une d’entre elles portant le nom de code de Nina était sans doute une proche de son entourage, voir une amie à elle. Mais elle ne sait pas qui c’est.  Jean Mortier

Sons diffusés : 

Archive : Marianne Birthler dans Surpris par la nuit par Kristel le Pollotec, le 09/11/2004 – France Culture 

Extrait de film : La vie des autres, de Florian Henckel Von Donnersmarck

Musiques :

  • Die stasiballade de Wolf Biermann
  • Welch ein zufall de Uschi Bruning
  • Die nacht ist um de Uschi Bruning

Générique de l'émission : Origami de Rone

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