"Crypteuphorie" : qui a peur des contes de la Crypto-monnaie ?

Un faux bitcoin physique, dans un bazar en Turquie ce lundi, jour où la monnaie numérique atteignait $ 34 000 l'unité. A cause de la dévaluation de la livre, l'utilisation du bitcoin progresse : un habitant sur cinq l'aurait déjà utilisé.
Un faux bitcoin physique, dans un bazar en Turquie ce lundi, jour où la monnaie numérique atteignait $ 34 000 l'unité. A cause de la dévaluation de la livre, l'utilisation du bitcoin progresse : un habitant sur cinq l'aurait déjà utilisé. ©AFP - Ozan Kose
Un faux bitcoin physique, dans un bazar en Turquie ce lundi, jour où la monnaie numérique atteignait $ 34 000 l'unité. A cause de la dévaluation de la livre, l'utilisation du bitcoin progresse : un habitant sur cinq l'aurait déjà utilisé. ©AFP - Ozan Kose
Un faux bitcoin physique, dans un bazar en Turquie ce lundi, jour où la monnaie numérique atteignait $ 34 000 l'unité. A cause de la dévaluation de la livre, l'utilisation du bitcoin progresse : un habitant sur cinq l'aurait déjà utilisé. ©AFP - Ozan Kose
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Plus de 30 000 dollars au passage de la nouvelle année : un record historique pour la star des cryptomonnaies, le Bitcoin. Entre spéculation et valeur-refuge, les mineurs ont-ils fini par trouver l’or numérique ?

Le bitcoin pendant la pandémie, c’est un peu la rencontre du jeu en ligne et de la haute finance ; et 2020 aura été l’année de tous les vainqueurs : les « mineurs » qui louent leurs ordinateurs pour faire fonctionner la chaîne de cryptage avec 692 millions de dollars d’argent de poche en décembre, les plateformes qui ont récupéré une partie des 379 milliards échangés, et surtout la valeur de la monnaie bitcoin elle-même qui a explosé tous ses records à partir de novembre pour atteindre 30 000 dollars l'unité à la veille du nouvel an, 34 000 $ lundi dernier.  

« Impressionnante envolée » salue Le Monde, « spéculation crypto à son paroxysme » analyse le Journalducoin.com ou, écrit Nessim Aït-Kassimi dans L_es Echos_, nouvelle phase de « crypteuphorie » comme il y a 3 ans, et peut-être temporaire ? Pour la première fois de son histoire même le Financial Times lui consacrait sa Une lundi en soulignant ses « grandes ambitions ». La question pour les investisseurs bon pères de famille est de savoir si cette monnaie de 12 ans – qui n’est au fond qu’un pari sur une technologie – a le comportement d’un enfant du même âge. 

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Spéculation ou paradoxale valeur refuge en temps de crise ? 

Le bitcoin est d'abord une valeur à hauts risques puisque cette première monnaie numérique en capitalisation et utilisateurs est connue pour sa volatilité : n’étant adossée à aucun actif physique, sa valeur ne repose que sur la confiance, ses « effets de spéculation » entraînent des variations de milliers de dollars en quelques jours.  

Les grosses quantités de bitcoin achetées depuis mars ont fait tripler son cours et son introduction sur la plateforme de paiement en ligne Paypal fin octobre a dopé la phase spéculative, non sans une perte de 17 % lundi note Boursier.com.

D’un autre côté le bitcoin apparaît de plus en plus comme une valeur refuge, puisqu’à 30 000 $ l’unité et une quantité limitée à 21 million d’unités rappelle Marie Charrel dans Le Monde, certains dont de grandes banques font déjà l’analogie avec l’or, rare et à 50 000 dollars le lingot. Cependant, avec 2700 milliards de dollars d’actifs boursiers pour le métal précieux, 575 milliards pour le Bitcoin, le déclassement de l’or n’est pas encore arrivé.  

Enfin une reconnaissance institutionnelle ?  

Son fonctionnement décentralisé revendiqué comme « libertaire » valait il y a quelques années encore au bitcoin le soupçon dangereux, sous la coupe des 60 % de mineurs chinois, voire carrément accusé de ramper dans les bas-fonds du DarkNet, sa réputation est en train de changer.  

Son ancrage dans l’économie réelle s'élargit, affirme l’un des dirigeants de Morgan Stanley dans le Financial Times en décembre : certains restaurants acceptent déjà les bitcoin, d’autres petites entreprises aussi dans des pays à dollars rares ou à l’économie instable : Nigeria, Argentine ; et Paypal n'est que le périscope du sous-marin Crypto qui enfle :  

La Citi Bank de Wall Street commence à suivre son cours, le cabinet S&P DJI (Dow Jones Indices) annonce un indice spécial en 2021. Face à « une classe d'actifs au développement rapide, le moment est venu de proposer des indicateurs indépendants, fiables et conviviaux » déclare l’un de ses responsables : un peu de fiabilité dans ce monde de volatilité.  

Transmutation du bitcoin : du moyen de paiement à l’ « or numérique » ? 

Le côté obscur attire finalement les spéculateurs avisés : assurances, paiements en ligne, informatique… Cette année, tous se convertissent au Bitcoin avec plus ou moins de ferveur, jusqu’au PDG d’une de ces entreprises qui prédisait en 2013 que « les jours de la cryptomonnaie étaient comptés » et que ce ne serait « qu’une question de temps avant qu’elle ne subisse le même sort que les jeux de hasard en ligne », affirmant désormais - après en avoir acheté pour 250 M $ - qu’il a « complètement oublié » et même « honte » de cette prévision.   

Même phénomène chez les grandes banques, désormais dithyrambiques : là encore JP Morgan qui dénonçait il y a quelques années une « pseudo-monnaie vouée à disparaître dans l’oubli » y voit désormais une valeur capable de concurrencer le dollar et l’or : si les compagnies d'assurances et les fonds de Pensions américains, européens et japonais ne plaçaient qu’1 % de leurs avoirs dans le Bitcoin, a calculé l’institution, ce serait déjà « un tsunami de 600 milliards de dollars » d’argent frais dans leurs économies…   

C’est l’espoir du Journalducoin.com, pour qui ne manquent que les dirigeants des multinationales, pour compléter le tableau de chasse des investisseurs en bitcoin en 2020.

Les acteurs du bitcoin plus offensifs ?  

L’engouement actuel renvoie aux politiques accommodantes des Banques Centrales qui donnent aux investisseurs la triste perspective d’un monde sans risques et sans gains ; et il renforce le plaidoyer des « maximalistes », les avocats d’un bitcoin sans entraves face aux monnaies numériques concurrentes (Tether, Ripple, Libra… elles sont plus de 8000) et, surtout, aux monnaies centrales :  

« Protection contre le déclin des monnaies étatiques », déclare notre dirigeant de Morgan Stanley dans le Financial Times, estimant que ce succès devrait « servir d’avertissement aux imprimeurs de monnaie gouvernementaux », n’hésitant pas à prophétiser pour la France qui régule trop à son goût (elle vient de renforcer ses règles) une « révolte populaire » contre la monnaie classique… Quelle menace…  

Si le bitcoin est une « religion » comme le dit un milliardiare américain dans Le Monde , son image ne serait pas exactement l’Antéchrist monétaire, mais plutôt les Sauterelles aux dents de lion ?

XM