La quête de la chasteté budgétaire

Le Chancelier de l'Echiquier Rishi Sunak et Boris Johnson, lors de la présentation du budget aux Communes le 3 mars : « Même après la hausse d’impôt, la taille de l’Etat britannique reste inférieure à la moyenne de celle des pays européens »…
Le Chancelier de l'Echiquier Rishi Sunak et Boris Johnson, lors de la présentation du budget aux Communes le 3 mars : « Même après la hausse d’impôt, la taille de l’Etat britannique reste inférieure à la moyenne de celle des pays européens »… ©AFP - Jessica Taylor
Le Chancelier de l'Echiquier Rishi Sunak et Boris Johnson, lors de la présentation du budget aux Communes le 3 mars : « Même après la hausse d’impôt, la taille de l’Etat britannique reste inférieure à la moyenne de celle des pays européens »… ©AFP - Jessica Taylor
Le Chancelier de l'Echiquier Rishi Sunak et Boris Johnson, lors de la présentation du budget aux Communes le 3 mars : « Même après la hausse d’impôt, la taille de l’Etat britannique reste inférieure à la moyenne de celle des pays européens »… ©AFP - Jessica Taylor
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Retour du débat fiscal : alors que le gouvernement français exclut toute hausse d’impôt, le Royaume-Uni vient de s’y résoudre. Sera-t-il le laboratoire de l’après-Covid ?

De tous les pays de l’OCDE, le Royaume-Uni est le premier à s’engager vraiment dans la phase 2 de la relance : l’assainissement budgétaire ; et il le fait d’une manière spectaculaire : en choisissant d’augmenter la fiscalité sur les revenus et sur la « Corporation Tax », la taxe sur les entreprises - plus faible du G7 - qui passerait de 19 à 22 voire 25 %. Cet emblème de l’attractivité britannique et de la politique conservatrice depuis Margaret Thatcher n’avait cessé de baisser depuis 1979, souligne l’Echo.be, c’est même la première augmentation depuis celle des Travaillistes en 1974. 

Moment historique, « changement de paradigme » titre le Financial Times pour qui Boris Johnson sonne la fin de « l’orthodoxie conservatrice » ; pour le journal belge, il « enterre » le fantasme d’un Londres post-Brexit-potentiel-paradis-fiscal-légal comme « l'Irlande, le Luxembourg, la Suisse ou Singapour » ; le Telegraph résume : « les Tories ont jeté le thatchérisme et rejoint l’Europe ». 

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Derrière les hausses d'impôts : la dette 

La dette a explosé au Royaume-Uni comme ailleurs, à près de 100 % du PIB, du jamais vu depuis 1962 : à la fin de l’année plus de 300 milliards de livres auront été empruntées et plus de 400 milliards dépensées : et 43 milliards manquent au budget chaque année.

Restaurer la crédibilité budgétaire britannique devient donc urgent, moins peut-être pour les créanciers du Royaume que pour des raisons techniques, explique l’agence spécialisée l’Agefi : des taux d’intérêt et une hausse des rendements du Trésor plus élevés qu’en Union Européenne, un risque de dépendance aux financements étrangers et une livre moins souple que le dollar. Pour l'Agefi, le Ministre des Finances Rishi Sunak a fait le choix de cette crédibilité au risque d’affaiblir la compétitivité. 

Une hausse d'impôts risquée ?  

Outre une tentative de « mutinerie » des députés Tories, deux anciens Chanceliers de l’Echiquier Nigel Lawson et George Osborne s’y sont opposés rapporte le correspondant des Echos à Londres Alexandre Counis, l’un jugeant « stupide » de vouloir devenir le parti des impôts élevés, l’autre est connu pour avoir proposé à l’époque de baisser cette taxe jusqu’à 15 %... 

Et puis n’est-ce pas trop tôt et contre-productif en période de relance ? C’est l’argument avancé par le parti Travailliste, mais aussi par certains économistes comme Tom Clougherty, du Center for Policies Studies qui critique une double « erreur », la hausse d’impôt sur les entreprises serait la « plus dommageable en termes de PIB par habitant. Cela mène également à une baisse des salaires et des investissements inférieurs. »  

Mais avec ces hausses d’impôt sur le revenus et les entreprises, le Royaume-Uni pourrait dégager au moins 16 Mrd £ par an ; et pour le Financial Times, dépenser plus sans envisager de hausse d’impôt aurait été comme le vœu de Saint Augustin : « Seigneur, donne-moi la chasteté, mais pas tout de suite. » 

Prudence du gouvernement britannique

Boris Johnson a pris certaines précautions politiques, puisqu’en réalité l’impôt sur le revenu n’augmente pas, c’est son seuil qui est gelé pour 3 ans et qui fait augmenter la masse des citoyens imposables ; quant à l’impôt sur les entreprises, il épargnera les PME et sera allégé pour les plus grandes par un système de défiscalisation de l'investissement ; et son augmentation effective n'interviendrait qu’en 2023, année des prochaines élections générales. 

Le Ministre des finances Rishi Sunak prévient : « Même après la hausse d’impôt, la taille de l’Etat britannique reste inférieure à la moyenne de celle des pays européens »…

En France : quand trouver la « chasteté » budgétaire ? 

Dès le premier confinement, les propositions de hausses d'impôts se sont multipliées en France et, avec une dette à 120 % du PIB, chaque semaine en apporte de nouvelles : de Thomas Piketty jusqu’à Philippe Aghion, sans compter les politiques : impôt exceptionnel sur les gains des entreprises favorisées par le Covid, ISF temporaire, taxation de l’épargne, : c’est le printemps perpétuel de la taxation.

Quand, comment et par qui faire payer l’assainissement budgétaire ? Pour beaucoup d’économistes institutionnels interrogés par _Les Echos (_Xavier Timbeau de l'OFCE ou Olivier Blanchard qui vient de publier un rapport pour le gouvernement), taxer maintenant présenterait trop de risques d’évasion fiscale ou d’épargne ou ne serait simplement pas utile tant que la croissance permet de payer la charge de la dette. 

Pour d’autres, l’argument est aussi le calendrier : autant laisser mûrir le débat pour l'élection présidentielle de 2022 plutôt que d’en tirer des hausses d’impôts hâtives, plus politiques qu’économiques. Bruno Le Maire répète imperturbable qu’il ne le fera pas pendant son mandat.

XM

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