Risques hors-normes : Faudra-t-il inventer l’assurance-beurre ?

Les inventeurs de l'assurance beurre, selon les éditeurs suisses Plonk & Replonk
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Le risque pandémique, exclu des contrats d’assurance des restaurateurs à partir du premier janvier. Ce sont les suites d’une longue bataille depuis le premier confinement : le « risque extrême » peut-il être couvert ?

Après des mois de polémiques, l’assurance place les restaurateurs au pied du mur. En jeu : les pertes d’exploitation dues au confinement, que les assureurs refusent d’indemniser. Le leader mondial Axa a été entraîné dans une série de procès ; et la victoire fin mai d’un restaurateur parisien avait été suivie aussitôt par une véritable « révolte des chefs ». 

Axa a cependant fait appel et la bataille judiciaire s’éternise. Il n’est d’ailleurs pas le seul : huit de ses concurrents ont été condamnés au Royaume-Uni pour les mêmes raisons et pourraient payer entre 4 et 10 milliards d'euros d’indemnisations ; aux Etats-Unis, c’est la Cour Suprême qui est saisie. 

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Or pendant que restaurateurs et assureurs se renvoient leurs interprétations, pas d’indemnisation rapide et le système est bloqué. Avec la pandémie, il « révèle ses limites », écrit dans Les Echos la spécialiste du sujet Solenn Poulennec : 93 % des contrats ne couvrent pas les pertes d’exploitations sans dommages matériels. Selon l’Autorité de contrôle (ACPR), seuls 3 % des assurés couverts peuvent prétendre sans ambiguïté à l’indemnisation.   

Le monde de l’assurance ébranlé ? 

C'est d'abord l’image des assureurs qui tremble : avec une hausse de 80 % de ses bénéfices en 2019, Axa fait aisément figure de parangon de l’assureur-vampire. Face à l’accumulation des griefs, les courtiers ont débordé d’imagination : ristournes pour la Maif et Matmut, investissement de 500 M € dans les PME pour Axa, et même une prime forfaitaire aux entreprises décidée par le Crédit Mutuel : 7000 € en moyenne, hors de toute contrat…

Sous la pression, le secteur se divise : des concurrents du Crédit Mutuel ont saisi l’ACPR en demandant des sanctions ; et la FFA qui avait versé 400 M € au Fonds de Soutien pour les entreprises spour satisfaire le gouvernement a perdu au passage deux importants réassureurs : la corde et cou et la balle dans le pied.  

Plus grave encore, alors que les contrats sont en pleine renégociation, le marché est en train de se retourner : à la suite des réassureurs, les compagnies d’assurances ont aussi décidé de rayer le risque pandémique de leurs contrats et d’augmenter les primes. C’est l’équilibre entreprises-assureurs qui change, poursuit Solenn Poulennec : la fin de « près de vingt années où le rapport de force entre assureurs et entreprises était souvent favorable à ces dernières ».  

Vers un système assurantiel moins « généreux » 

Près de quatre milliards d'euros de pertes d’exploitation ont déjà été indemnisés ; mais le problème, expliquait la Fédération Française de l'Assurance (FFA), c’est que l’assureur ne peut que « répartir un risque entre ses assurés, c’est-à-dire utiliser les primes du plus grand nombre qui n’est pas touché pour indemniser ceux qui subissent un sinistre ».

C’est ce qui arrive d’habitude avec les « risques de la vie », accident de la route ou domestique par exemple ; mais l’épidémie (et le confinement) est un « risque systémique » : c’est le plus grand nombre qui est touché et les 60 milliards € de pertes d’exploitation à indemniser représenteraient 110 années de prime, « ni mutualisable, ni assurables » déclare la présidente de la FFA.

Régime de catastrophe sanitaire ou « assurance pandémie » : quelles solutions ?

Il y a d’abord « l’Etat assureur en dernier ressort », qui intervient par exemple dans le régime « Catnat » de catastrophes naturelles : dès le premier confinement, l’économiste Xavier Jaravel suggérait dans Le Monde une couverture intégrale des pertes de salaire, et des loyers des entreprises. L’Umih (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie) a elle demandé un régime de catastrophe sanitaire similaire, le gouvernement juge une réplique « inopérante ».  

Assurance beurre ou assurance guerre ? Deux façons de considérer le "risque systémique"
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- Plonk & Replonk

A la place, il négocie avec assureurs et entreprises un partenariat public-privé pour un nouveau système d’assurance « Catex », qui couvrirait tous les risques de catastrophes exceptionnelles : catastrophes naturelles, terrorisme, mouvement sociaux type « gilet jaunes » et même fermetures administratives décidées par l’Etat : c’est l’ « assurance-pandémie ». Jean Castex avait annoncé sa finalisation il y a quelques semaines mais aucune précision n'a été apportée depuis.  

Qui peut répondre aux risques extrêmes ?  

Risques climatiques ou risque « cyber » : comment anticiper sur les « cygnes noirs », par nature imprévisibles, demandait hier dans Les Echos le PDG d’Allianz Jacques Richier. Le premier groupe européen vient de créer avec le Cnam une chaire « nouveaux risques » avec une définition bien plus large que celle des contrats d’assurance, qui va jusqu’au surendettement et aux fake news  :  « zone grise de risques mal connus, mal gérés ou mal couverts », que le secteur de l’assurance « n’a pas les moyens » de financer ni même de modéliser seul… 

Se pose alors le problème de l’assurance-beurre : que faire lorsque le climat se réchauffe inévitablement et que votre frigo risque de tomber en panne à cause des terroristes, des émeutes, ou des factures que vous ne pouvez plus payer ?...  Les éditeurs suisses Plonk et Replonk ont déjà répondu : « Joie et bonheur au pays du beurre ! » 

XM