

Elle se veut le remède aux problèmes de la dette et du chômage et la réponse à l’un des principaux mystères économiques : la Théorie Monétaire Moderne provoque déjà un débat intense aux Etats-Unis ; a-t-elle un avenir en Europe ?
Il n'y a « pas de problème de déficit mais un problème de langage » : c'est la grande idée de la Théorie Monétaire Moderne, qui suscite l’approbation de certains grands financiers, et le mépris de non moins grands économistes. Pour cette théorie développée dans les années 90 aux Etats-Unis, la dette n’est qu’un jeu d’écriture et le déficit un moteur d’une économie en bonne santé.
Elle vient de prendre pied en France la semaine dernière avec la traduction du livre de sa porte-voix, l’économiste Stéphanie Kelton Le mythe du déficit : ouvrage à la fois théorique et polémique qui se propose tout simplement de balayer les principaux consensus du temps, telle « la dette publique (qui n’existe pas) : Elle est ‘ÉnO OOO OOO OOO OOO rme’ ».
Comme un éléphant au beau milieu de débats sur la dette publique
Un débat déjà bien étoffé entre partisans de l’annulation, cassandres de l’inflation, prophètes de l’austérité ou inquisiteurs de la fiscalité ; et les thèses de Stéphanie Kelton, qui évacue les « règles » budgétaires et promeut « une économie pour le peuple », « dynamitent » des années d’économie politique, les « mythes fondateurs de l’austérité et des politiques de destruction des politiques sociales » écrit Romaric Godin dans Mediapart ; même le Financial Times lui accorde un généreux « changement de paradigme ».
Il faut dire que la Théorie Monétaire Moderne (TMM) propose une vision radicale de l’Etat et des dépenses publiques : pour un Etat souverain capable d’émettre sa monnaie et de la contrôler (comme les Etats-Unis, le Japon ou l'Asutralie), rembourser la dette est un faux problème, il peut le faire quand il le souhaite car il dépense toujours avant de percevoir l’impôt et le vrai problème c’est de stabiliser les prix et de garantir l’emploi quoi qu’il en coûte : en créant une garantie de l’emploi, plutôt que des prêts garantis comme aujourd’hui. Un peu comme une dictature du prolétariat qui aurait réussi : « leur déficit, c’est notre excédent »…
Théorie économique ou courant politique ?
Il y a une portée historique au discours de Stéphanie Kelton, en tant que théorie économique complète qui veut détruire la vision d’un Etat « bon père de famille», abattre la statue du « thatchérisme », mais aussi proposer une alternative « optimiste » à une création monétaire diabolisée par les « monétaristes » et Milton Friedman, pour financer la santé, l'éduc et la lutte contre le changement climatique… ou des baisses d’impôts ;
Mais difficile de distinguer entre le mouvement politique et l’école théorique, entre des idées énoncées par un ancien financier, passées par la droite Républicaine tendance « Tea Party » et reprise par des chercheurs néo-keynésiens et Stéphanie Kelton, devenue sa principale promotrice et inspiratrice de la gauche des Démocrates, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio Cortez.
« Révolution copernicienne » pour la théorie monétaire ?
La TMM s’attaque au vieux mystère de la création monétaire, disputé entre tous les pères fondateurs Marx-Keynes-Friedman mais « totalement absent des modèles macroéconomiques contemporains, des banques centrales et des institutions financières internationales » remarquaient Jezabel Couppey Souberyan et Jean-François Ponsot l’année dernière dans the Conversation.
Contrairement aux théories économiques « quantitatives » qui donnent la priorité au circuit de l’échange, pour la TMM, la création monétaire est un acte de souveraineté étatique et de désir populaire. Renversement de perspective : la dette que l’Etat réclame à une population sert à capter la force de travail, la création monétaire n’est pas dangereuse, ce qui l’est, c’est le chômage et l’inflation.
Théorie de l’Etat ou théorie monétaire ? Mosler et Kelton affirment l’avoir démontré empiriquement sur l’histoire des Etats-Unis.
Une théorie séduisante et très discréditée ?
La TMM donne la curieuse impression de détruire toutes les idoles et de réinventer l’eau chaude : la conception centrale de l’Etat captateur de travail pour la richesse, mais aussi employeur « en dernier ressort » (15 millions d’actifs potentiels bénéficiaires aux USA) pour compenser est révolutionnaire ; mais ses « principes » qui valident sans réserve les politiques actuelles de dépenses géante laissent sceptiques même les néo-keynésiens pro Etat : idée exhumée « d’un recoin de l’académie » dit Gregory Mankiw, « vision hautement simplifiée et peu plausible de l’économie politique » ajoute Thomas Palley.
Beaucoup la soupçonnent d’être une simple généralisation optimiste du cas américain, jusqu’ici favorisé par la puissance du dollar. La TMM est rejetée par la plupart des économistes en vue rapporte l’Obs, Summers, Blanchard, Warren Buffet, Rogoff, accusée d’ouvrir les portes de l’argent magique, l’hyperinflation, ou d’être tout simplement « bullshit ».
Face à cela, Stéphanie Kelton affirme que « la théorie monétaire met l’inflation au centre de son analyse » et proposer des mécanismes de régulation (par des hausses d’impôts ou baisse des dépenses automatiques) ; mais entre « cultiver notre jardin » et « toi qui entre ici abandonne tout espoir », la voie de la TMM est étroite.
XM
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