Transports en commun : les métamorphoses du Covid ?

Le tunnel de la future ligne 15 du métro, en construction pour le Grand Paris. Y aura-t-il assez de fréquentation et de recettes pour les 200 km de nouvelles lignes qui doivent doubler le réseau ?
Le tunnel de la future ligne 15 du métro, en construction pour le Grand Paris. Y aura-t-il assez de fréquentation et de recettes pour les 200 km de nouvelles lignes qui doivent doubler le réseau ?  ©AFP - Ludovic Marin
Le tunnel de la future ligne 15 du métro, en construction pour le Grand Paris. Y aura-t-il assez de fréquentation et de recettes pour les 200 km de nouvelles lignes qui doivent doubler le réseau ? ©AFP - Ludovic Marin
Le tunnel de la future ligne 15 du métro, en construction pour le Grand Paris. Y aura-t-il assez de fréquentation et de recettes pour les 200 km de nouvelles lignes qui doivent doubler le réseau ? ©AFP - Ludovic Marin
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L’Etat préoccupé par le financement des transports en commun : la fréquentation plonge et les opérateurs réduisent de nouveau le trafic. Si la crise se prolonge, faudra-t-il inventer un nouveau « modèle économique » pour les transports publics ?

Il pourrait y avoir « un problème », avertissait fin septembre le Ministre des Transports Jean-Baptiste Djebarri  : avec la crise, les opérateurs de bus, métros, trams ou trains se retrouvent étranglés entre l’effondrement de la fréquentation (et billetterie), et « des coûts fixes élevés et peu variables » rappelle Denis Fainsilber dans Les Echos. 

Une urgence : réduire le trafic, SNCF en première ligne. Dès aujourd’hui l’entreprise retire 70 % de ses TGV et ne concernant les Intercités, ne laisse qu’un mince filet d’une à deux liaison par jours. Les régions qui financent les TER ralentissent aussi : depuis lundi, 2/3 des trains circulent dans le Grand-Est. 

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Et le ministre prévient : il faudra avoir « une discussion rationnelle, froide, lucide » avec les régions et réduire le trafic ne suffira peut-être pas à la SNCF pour tenir une longe crise, alors qu’elle est déjà sous pression financière et du gouvernement pour se restructurer : 

Depuis 2018, ce sont 40 milliards d'euros que l’Etat a injectés - ou s’est engagé à le faire, pour reprendre la dette ferroviaire et éponger le premier confinement de la SNCF. Quant aux financeurs, le gouvernement vient d'allouer in extremis dans la Loi de Finance 750 M € d’avances remboursables pour les transports publics des collectivités, la moitié du manque à gagner des opérateurs régionaux. 

Sauvetage financier des transports d’Île de France ?  

Un accord similaire a été conclu fin septembre entre l’Etat et la région après une dure négociation, la région bloquant les paiements à la RATP et SNCF pour faire monter les enchères. La région a gagné : l’Etat compensera les 2,6 Mrd € de pertes du premier confinement, en faisant payer 10 % par les transporteurs au passage. 

Ce compromis est cependant temporaire : selon Paris Match la présidente de région Valérie Pécresse envisage déjà de ne payer plus que le service rendu « pour ne pas se retrouver dans la même situation » ; et la question du financement deviendra cruciale après 2021, alors qu’il faudra commencer à rembourser les plus d’un milliard d'euros d’avance de l’Etat. 

De nouveaux modes de financement pour les transports urbains ?

« Péage urbain » ou nouvelle politique tarifaire : ce sont les pistes évoquées par la PDG de la RATP Catherine Guillouard dans Paris Match. 

Le péage urbain - faire payer les automobiles pour les transports publics - est déjà utilisé à Londres pour financer une partie du TfL renfloué deux fois depuis le début de la crise ; le système doit aider en 2021 le Métro de New York au bord de la faillite. 

En France, c’est la gratuité qui est revenue dans le débat public après la proposition de la candidate PS aux régionales en Île de France Audrey Pulvar. Ce débat est souvent vif, les termes désormais bien connus : aux objectifs d’équité sociale, de report modal et donc de redynamisation urbaine, il oppose les obstacles du coût et de justice fiscale d’une telle mesure. Car il n’est pas acquis que les retombées économiques puissent compenser des millions d’euros de recettes perdues. 

La gratuité surtout adaptée aux villes moyennes ?

Une trentaine d'entre elles l’expérimente, 18 depuis les dernières élections municipales ; question d’échelle peut-être, car avec des transports publics moins utilisés que dans les grandes villes, les budgets sont moins dépendant de la billetterie. D'ailleurs jusqu’ici seul le Luxembourg de 600 000 habitants est entièrement passé à la gratuité en février dernier. 

Pour réduire les coûts, certaines petites métropoles essaient de nouveaux modes de transport semi-collectifs légers : comme l’Urban Loop à Nancy, à mi chemin entre le métro et les montagnes russes, qui annonce un coût énergétique inférieur à 1 centime d'euro par kilomètre, soit 10 M € d’investissements pour une métropole de 100 000 habitants.  

Transport aérien : le territoire français trop coûteux ?

L’Etat actionnaire principal du groupe Air-France KLM avec 14,3 % du capital pousse l'avionneur à revoir non seulement sa rentabilité, mais aussi son rôle dans l’aménagement du territoire. 

C’est « la réalité du modèle économique » qu’il faut revoir disait Jean-Baptiste Djebarri. Le gouvernement avait d’ailleurs conditionné son aide de 7 miiliards d'euros à une restructuration du transporteur et une réduction de 40 % du réseau français, qui élimine explicitement les villes moyennes à moins de 2h30 de train de Paris. 

La filière régionale et « low cost » Hop ! est aussi menacée : elle perd plus de 1000 emplois dans le futur plan social et récemment, le SNPL (les pilotes) a proposé un prix minimum pour les billets, comme c’est le cas depuis juillet en Autriche : ce qui serait la fin du modèle low c_ost._ 

Sur terre, sous terre, ou au dessus : le monde d’après risque aussi d’être  un monde de tubes vides d’humains. Pour les transports en commun, il faudra peut-être écrire les Métamorphoses du Covid.

XM