Bientôt le retour de Mein Kampf d’Hitler en librairie

Exemplaire de Mein Kampf d'Adolf Hitler. Photo : Patrick Piel
Exemplaire de Mein Kampf d'Adolf Hitler. Photo : Patrick Piel ©Getty
Exemplaire de Mein Kampf d'Adolf Hitler. Photo : Patrick Piel ©Getty
Exemplaire de Mein Kampf d'Adolf Hitler. Photo : Patrick Piel ©Getty
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L'éditeur Fayard annonce la prochaine réédition de Mein Kampf en français, il n'en fallait pas plus pour relancer la polémique autour de ce "brûlot antisémite".

C’est une dépêche de l’AFP largement reprise par les sites d’information, qui l’annonçait il y a quelques jours : une nouvelle édition française de Mein Kampf paraîtra en 2021. Objet a priori terrible déjà publié en France en 1934 et 1938, ce texte est souvent considéré comme la matrice idéologique des crimes du nazisme.  

Il y a cinq ans le débat avait fait l’actualité : fallait-il rééditer Mein Kampf en France ? Les droits étaient tombés dans le domaine public en Allemagne où un groupe d’universitaires préparait une solide édition scientifique, parue depuis, et vendue à 100 000 exemplaires.  

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Lorsque le bruit d’un projet de réédition en France avait couru on avait imaginé avec angoisse Mein Kampf trônant en tête de gondole des points Relay de toutes les gares de France. Redonner matière à l’objet d’incarnation du plus grand génocide jamais commis, était-ce souhaitable ? Les éditions Fayard avait assuré qu’un comité d’historiens serait sollicité pour établir l’accompagnement scientifique du texte à paraître dans une nouvelle traduction de Laurent Mannoni.  

Les spécialistes français du nazisme restaient divisés sur le sujet. 

Pour Johann Chapoutot, la focalisation sur l’objet-livre destiné à circuler dans le grand public risquait de faire renaître son aura de « bible », et surtout elle marquait une régression historiographique dans l’approche du nazisme et de ses crimes, à rebours des recherches qui avaient largement démontré qu’Hitler, sa pensée et ses actions, n’étaient pas suffisants pour expliquer l’ampleur des crimes commis en son nom. La « vision du monde nazie » n’était pas l’élaboration d’un seul homme mais une production collective de milliers d’intellectuels comme l’expliquait l’historien au micro de Cécile de Kervasdoué en 2017 :  

Johann Chapoutot militait contre la matérialisation de ce manifeste nazi aux usages risqués et pour une éventuelle édition numérique accompagnée des informations contextuelles nécessaires à sa compréhension en tant que document historique.  

Pour Christian Ingrao, membre de l’équipe à l’œuvre dans l’élaboration de la nouvelle édition française, il était aussi temps de sortir des fantasmes qui entouraient ce livre. Son édition scientifique participerait à sortir des idées reçues autour d’un texte éructant et antisémite, rédigé dans les années 1920, mais qui ne contenait pas en lui-même le projet de meurtre de masse qui avait conduit à l’extermination des Juifs d’Europe, décidée à la fin de l’année 1941. L’édition scientifique contribuerait justement à sortir de l’hitléro-centrisme dans la gestation de la solution finale.  

Un même projet pour les deux historiens : désarmer un objet fantasmé, mais deux approches quant aux modalités de sa circulation dans l’espace public. 

Liens : 

  • "Mein Kampf: une édition française critique de sortira bien chez Fayard", Le Figaro, 20/01/2021. 
  • "Christian Ingrao, « Mein Kampf », histoire d'un livre", L'Histoire, n°420 , février 2016. 
  • Philippe Douroux, Johann Chapoutot : «Cette focalisation sur "Mein Kampf" a l’inconvénient d’encourager une lecture hitléro-centriste du nazisme», Libération, 26/10/2015. 
  • Manu Braganca_, "_La curieuse histoire de "Mein Kampf" en version française", Le Figaro, 10/06/2016.