

Dans le MLF, loin d'opposer les hommes et les femmes, les réunions non-mixtes avaient permis de renforcer la réflexion des hommes sur leur rôle dans la société. L'idée d'une contraception masculine est née de cette contrainte, aujourd'hui rejetée par une partie de l'opinion publique.
Alors que la polémique fait toujours rage avec persistance sur les réunions non-mixtes organisées au sein du syndicat étudiant UNEF, la tentation est puissante de se pencher sur celles qui étaient organisées dans les années 1970 par le Mouvement de libération des femmes (MLF) - référence historique la plus citée, et particulièrement sur ce que cette contrainte a pu apporter de productif.
Les femmes du MLF avaient des compagnons, des frères, des amis masculins, qui malgré parfois leur bonne volonté se sont vu fermer la porte de ces rassemblements. Il n’était pas les bienvenus parce qu’ils étaient hommes, et uniquement pour cela. Alors qu’ont-ils fait ces garçons ? D’abord ils se sont occupés des enfants lorsqu’il y en avait parce qu’il fallait bien que la vie continue pendant cette réunion et puis ils se sont parlés, entre eux, pour comprendre la raison de cette exclusion temporaire. Insistons sur le "temporaire" : ça n’est pas parce qu’UNE réunion n’est pas ouverte à toutes et tous qu’il est interdit de se parler en dehors de ces dites réunions.
Comprendre donc pourquoi les femmes, leurs proches, leurs familles, leurs compagnes, leurs sœurs, ressentaient le besoin de se réunir sans eux. C’était le cas de certains groupes d’hommes qui ont interrogé leur propre manière d’être au monde homme, puisque c’était ça l’objet de cette privation de mixité. Évidemment cela demandait de ne pas rejeter d’emblée la pertinence des dénonciations féministes, de ces interrogations sur la part des rôles dans la société, des rôles distribués en fonction du genre de chacune et de chacun.
Ces hommes exclus mais pas résignés se mettent à questionner leur masculinité et le malaise entre les sexes qui n’était plus contenu
Ils ont interrogé leur rapport à leur identité masculine telle qu’elle leur avait été transmise, ils ont questionné aussi leurs relations avec leur père et la culture de leur genre si dénoncée par les féministes et mise à l’épreuve par la sortie du placard des homosexuels.
Les discussions sont profondes et déstabilisantes, et leurs désaccords total ou partiel avec cet héritage si longtemps tu se fait jour et s’affine dans son expression et dans leurs discours.
Mais avec cette réflexion qui ne fait que commencer comment agir ? Si l’air du temps prescrit la jouissance sans entraves, les carences de la contraception gâchent souvent la fête. Alors comment jouir VRAIMENT sans entraves pour toutes et tous ? La pilule contraceptive autorisée depuis 1967 par la loi Neuwirth reste loin d’être prescrite facilement et l’avortement, même légalisé en 1975, n’est jamais une solution désirable, loin de là. Comment faire pour que les conséquences du plaisir charnel ne pèsent pas exclusivement sur le corps des femmes ? En revendiquant le partage de la contraception.
L'association ARDECOM (Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine), entre autres, voit le jour et se tourne vers la science pour trouver les réponses. À partir de la fin des années 1970 toutes les méthodes de contraception sont passées au crible : vasectomie, slip chauffant, pilule, préservatif... La contraception au masculin est expérimentée avec succès durant quelques années par cette poignée d’hommes avant la démobilisation progressive et avant l'épidémie de Sida qui devient prioritaire dans les années 1980.
La contraception masculine est cependant établie et éprouvée, répertoriée par l’OMS, un résultat peu médiatisé et pas encore très utilisé mais qui est le fruit d’une réflexion féministe qui a poussé les hommes à trouver des solutions pour établir un espace de responsabilité partagée avec leur propre corps et avec leur devenir de père. La contraception masculine, ou comment transformer une relégation en révolution à venir, cela valait bien une réunion.
Liens :
Des groupes d'hommes d'un nouveau genre pour parler, écouter, se libérer, L'Express, 12/01/2020.
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