"Femmes de réconfort" : du discours hygiéniste de l'esclavage sexuel à la condamnation du gouvernement japonais

Lee Yong-soo,  sud coréenne, ancienne "femmes de réconfort" au service de l'armée impériale japonaise, livre un combat pour recevoir des excuses du gouvernement japonais. (Photo :  Gary Friedman )
Lee Yong-soo,  sud coréenne, ancienne "femmes de réconfort" au service de l'armée impériale japonaise, livre un combat pour recevoir des excuses du gouvernement japonais. (Photo :  Gary Friedman ) ©Getty
Lee Yong-soo, sud coréenne, ancienne "femmes de réconfort" au service de l'armée impériale japonaise, livre un combat pour recevoir des excuses du gouvernement japonais. (Photo : Gary Friedman ) ©Getty
Lee Yong-soo, sud coréenne, ancienne "femmes de réconfort" au service de l'armée impériale japonaise, livre un combat pour recevoir des excuses du gouvernement japonais. (Photo : Gary Friedman ) ©Getty
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De la fin des années 1930 à la défaite de 1945, près de 200 000 jeunes filles, parfois mineurs, furent forcées à la prostitution pour les troupes de soldats japonais. Une poignée d'entre elles encore en vie, combattent pour demander les excuses officielles du gouvernement japonais.

L’État japonais conteste sa condamnation à dédommager douze femmes coréennes contraintes à travailler dans les bordels de l’armée impériale pendant la seconde guerre mondiale. Le tribunal a retenu que cette exploitation sexuelle organisée « relevait d’un acte illégal contre l’humanité et (que) le défenseur a l’obligation de compenser les victimes pour le préjudice mental. » 

Le Japon rejette cette condamnation, arguant que le traité de 1965 et un accord de 2015 associé à de très officielles excuses constituaient déjà le règlement du dossier des « femmes de réconfort ».  

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Ce dossier des « femmes de réconfort » perturbe les relations entre les deux pays avec un accroissement des tensions depuis l’élection à la présidence sud-coréenne de Moon Jae-in. Depuis son accession au pouvoir en 2017, cet avocat, spécialiste des droits de l’homme a dénoncé l’accord de 2015 dont les négociations s’étaient déroulées sans associer les victimes.  

200 000 jeunes femmes réduites à l’esclavage sexuel

En effet sous la présidence précédente, les autorités sud-coréennes avaient considéré l’accord de 2015 « définitif et irréversible » malgré leurs protestations. Mais comme le rappelait à ce moment-là Pierre-François Souyri dans le magazine L’Histoire, les comptes sont loin d’être soldés dans ce dossier des « femmes de réconfort », un euphémisme pour désigner les 200 000 jeunes femmes raflées par l’armée japonaise « pour servir de prostituées en Corée mais aussi en Chine et en Asie du Sud-Est durant la guerre d'Asie-Pacifique (1931-1945). Si toutes les armées en campagne ont provoqué, créé ou utilisé, à des degrés divers, une prostitution qu'elles ont, selon les cas, contrôlée directement ou laissée se constituer en dehors des camps ou des bases militaires. Les bordels militaires ne sont pas une spécificité japonaise, loin de là. Mais le cas des « femmes de réconfort » relève directement de l’esclavage sexuelle systématique et organisé par les autorités japonaises ». Qualifiant l'armée japonaise de l’époque de « plus grande institution proxénète et esclavagiste que le monde ait sans doute jamais connue », l’historien précise que ce système était accompagné d’un discours hygiéniste, « développé par des autorités qui cherchaient à « rentabiliser l'ardeur combattante des soldats ». 

Les Enjeux internationaux
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Citée par le Monde et l’AFP, Kim Dae-wol, de La Maison du partage, une organisation de soutien aux victimes, affirme que ce qui les motive aujourd’hui, ce ne sont pas les compensations financières, mais « que le gouvernement japonais informe ses citoyens des atrocités qu’il a commises ».  

Une dette historique qui ne se payera donc pas seulement en argent.  

Liens :

Tokyo condamné à dédommager d’anciennes esclaves sexuelles sud-coréennes des militaires japonais, Le Monde, 08/01/2021. 

Pierre-François Souyri, Les femmes de réconfort : un esclavage d’État ? L'Histoire n°424, 06/2016.