
Ce matin dans le Journal de l’histoire l’histoire mondiale d’un immeuble parisien...
C’est d’abord l’histoire d’un film : Ruth Zylberman cherche un immeuble pour raconter son histoire, pour retrouver toutes les vies qui s’y sont déroulées, un bâtiment de l’est parisien comme on en croise tous les jours sans y prêter attention. La réalisatrice, auteure d’une épopée magnifique de la dissidence dans les Républiques soviétiques, sort de l’histoire des idées contestataires transnationales pour s’attacher à puiser un lieu sur les traces de Georges Perec. Il sera dans le XIe arrondissement de Paris, au 209, rue Saint Maur, dans un quartier historique de la vie immigrée mais aussi un quartier où l’Occupation et l’antisémitisme ont ravagé les familles qui s’étaient inventé une vie parmi les autres, où l’anodin était la norme, des cages d’escaliers, des appartements surpeuplés, des enfants qui jouent dans la cours, des regards à la fenêtre, et les va-et-vient d’un quotidien ordinaire.
Ruth Zylberman part de cet îlot urbain et retrouve les enfants du 209
Elle les retrouve en province et à l’autre bout du monde, aux Etats-Unis et jusqu’en Australie. C’est d’abord Odette qu’elle retrouve à Tel Aviv et qui sera le premier témoin, celle qui attribue les noms ou les descriptions à chaque fenêtre de la cour. Odette qui sera la première à raconter avant les autres, avant Henri nouveau-né abandonné par sa mère déportée au bras de la gardienne de l’immeuble et de l’assistance public.
Le 209, rue Saint Maur est devenu un livre aussi
On y découvre les coulisses de cette recherche, entre les archives administratives repérées par les historiens et l’obsession qui tient Ruth Zylberman de comprendre la vie sensible de ce lieu, des vies disparues mais aussi de celles qui y sont aujourd’hui. L’histoire s’étend désormais du XIXe siècle à nos jours. On y croise les tragédies de l’amour trahi et de l’histoire des travailleurs venus du Maghreb, d’autres histoires de l’immigration en France.
Écrire après avoir filmé c’est dire tout ce qu’on n’a pas pu montrer
Les échanges minuscules qui disent tout au moment où la caméra est rangée, où la porte est sur le point de se refermer après les remerciements de rigueur. Ruth Zylberman n’a pas épuisé ce lieu, elle y a retrouvé l’histoire sensible d’un espace de vie et d’histoires minuscules qui expriment toutes les nuances de la collaboration et de la clandestinité, de la complexité des identités et de leur intimité.
par Anaïs Kien