Le 150e anniversaire de la Commune de Paris permet de faire sortir de l’ombre les femmes mobilisées pour la révolution sociale de 1871. Icônes féministes ou héroïnes de la lutte des classes ; au-delà des mythes, quel fut le rôle de ces figures méconnues de l'histoire ?
Il y a 150 ans la "semaine sanglante" était sur le point de se terminer et avec elle la Commune de Paris.
Une expérience politique contestée, souvent considérée comme le point de départ des ravages du communisme d’État au XXe siècle. Une vision de l’histoire à posteriori qui écorche le regard porté sur le passé mais aussi un symptôme des blancs laissés dans les récits critiques ou bienveillants de la Commune.
Éminemment collective dans son organisation et son fonctionnement, la Commune de Paris échappe souvent à une écriture classique de l’histoire, à commencer par ses acteurs et plus particulièrement ses actrices. Si les femmes y ont pris largement part, la Commune de Paris n’a pas été une révolution féministe et leur place dans les histoires élaborées par la suite les ont souvent laissées dans un anonymat qui les a longtemps condamnées à l’invisibilité. Le problème avec la Commune c’est qu’il n’y a pas de héros ni d’héroïnes, il a fallu en exhumer.
Les usages de Louise Michel
À commencer par Louise Michel, l’élue féminine des récits, souvent citée aujourd’hui, celle qui demandait à ses juges de la tuer, l’institutrice déportée en Nouvelle Calédonie. Le motif Louise Michel voyage à travers les époques et les tendances pour finir par incarner un des monuments voir un des clichés de la Commune de Paris.
Dans un entretien accordé à Mediapart Sidonie Verhaeghe, auteur d’une thèses sur les multiples usages de Louise Michel retrace ces parcours, de l’icône soviétique à sa version la plus queer, c’est une succession de métamorphoses qui ont façonné sa mémoire : le parti communiste se l’approprie pour en faire une pasionaria du prolétariat en révolution, prophétesse de la révolution russe de 1917, le féminisme des années 1970 la consacre en tant que modèle d’émancipation, jusqu’à la mise en valeur récente de ses prises de position anticolonialistes et antiracistes.
Louise Michel est un monument qui cache bien d’autres femmes engagées dans la Commune de Paris mais qu’on ne savait même pas nommer. C’est Édith Thomas, historienne et archiviste, qui leur redonne leurs patronymes et leurs identités, à celles que l’on nomme négativement sous le terme générique de "pétroleuses".
L'héritage des "pétroleuses"
En 1963, elle publie la liste de toutes celles qu’elle a pu identifier, nombreuses mais effacées dans des archives parfois disparues, elle interroge leur manière de dire et de faire et les restaure selon Chloé Leprince dans la préface à la réédition des Pétroleuses d’Édith Thomas cette année dans "une citoyenneté reconfigurée dans ses marges et ses chemins de traverse". Les Pétroleuses d’Édith Thomas tout comme le peuple féminin qui en est l’objet est longtemps resté un livre marginalisé malgré ses prix et ses traductions précoces, une rencontre de ces milliers de Communardes qui ont lutté au sein de la Commune mais aussi à l’intérieur de la Commune pour qu’apparaissent dans les réformes à penser celles des conditions de travail et de vie propres à leur sexe.
À voir les controverses qui continuent autour de ce 150e anniversaire de la Commune de Paris, on n’a pas fini de voir comment chaque époque à venir puisera peut-être ses héros et ses démons dans la foule de la Commune de Paris.
Liens :
"D’icône soviétique à figure queer: les métamorphoses de Louise Michel" par Lucie Delaporte, Mediapart, 09/04/2021.
Édith Thomas, Les "Pétroleuses", Folio histoire, 2021.
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