L’Islande et les prix littéraires, une longue histoire

De gauche à droite : Auður Ava Ólafsdóttir en 2019 / Halldor Laxness en 1954
De gauche à droite : Auður Ava Ólafsdóttir en 2019 / Halldor Laxness en 1954 ©Getty - Editions Zulma / ullstein bild
De gauche à droite : Auður Ava Ólafsdóttir en 2019 / Halldor Laxness en 1954 ©Getty - Editions Zulma / ullstein bild
De gauche à droite : Auður Ava Ólafsdóttir en 2019 / Halldor Laxness en 1954 ©Getty - Editions Zulma / ullstein bild
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Aujourd’hui dans le Journal de l’Histoire, retour sur "Miss Islande" d'Auður Ava Ólafsdóttir, prix Médicis étranger 2019.

Miss Islande traduit par le talentueux Eric Boury a remporté le prix Médicis étranger et c’est mérité ! Son autrice Auður Ava Ólafsdóttir nous y emmène aux côtés de son héroïne dans le Reykjavik des années 1960. Hekla tient son nom d’un des volcans les plus éruptifs d’Islande, et une verve littéraire que lui jalouse son fiancé, pourtant surnommé Le Poète. Son inacceptable talent peine à passer les portes des maisons d’édition. Dans ces années 60, les femmes n’écrivent pas, si ce n’est en cachette, elles cuisinent, elles enfantent, elles nourrissent la nation et ceux qui ont le monopole de la création littéraire comme Isey, l’amie qui enchaîne les grossesses et cache le cahier où elle écrit dans un seau en plastique qui voisine avec les paquets de farine. 

Le portrait d'une jeunesse avide de dépaysement 

L’Islande des années 1960, c’est encore une île isolée perdue entre l’Atlantique et l’Arctique où les touristes ne se déversent pas encore par millions chaque été. On y suit les soubresauts du monde à distance, l’oreille collée à son poste de radio. L’Islande vit sa brutale rencontre avec la modernité et la société de consommation. A peine sortie des temps sombres où les Islandais subsistaient grâce au troc de tout ce qu’il leur manquait contre un déluge de poissons, de peaux de mouton, de chaussettes et de moufles tricotées à la main. Audur Ava Olafsdottir fait le portrait d’une jeunesse avide de dépaysement mais jalouse de son patrimoine littéraire car cette nation minuscule depuis 1955 ne cache pas sa fierté d’avoir vu l’un des siens recevoir un prix Nobel de littérature. 

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Halldór Laxness, prix Nobel de littérature en 1955

Halldor Laxness avec La cloche d’Islande et son prix Nobel, un prix si énorme pour une île si petite, peuplée de 200 000 habitants. L’auteur primé est devenu le refondateur de la fierté de l’Islande. Indépendante du Danemark depuis 1944 seulement, après hui siècles de colonisation, elle accueille depuis un si grand nombre de soldats américains, vigies de la guerre froide, que certains considèrent cette présence étrangère comme une occupation. Laxness et son prix si prestigieux, Laxness invité aux quatre coins du monde est devenu la boussole des aspirants écrivains, la barrière et le niveau de l’écriture et d’un mode de vie désirable : si Laxness n’a pas de chat, est-il sage d’en adopter un ? 

Ecrire, coûte que coûte 

Dans l’univers de Miss Islande, les garçons caressent le rêve de devenir Laxness mais pour les filles, le parcours est fléché différemment : pour circuler à travers le monde vous serez hôtesse de l’air ou reine de beauté, telle est la proposition insistante offerte à Hekla lorsqu’on lui refuse de publier son premier roman trop différent, trop dérangeant. Hekla s’invente une autre vie, devient une épouse alibi et signe d’un nom masculin s’il le faut ses manuscrits qu’elle ne veut pas voir mourir sur une étagère. Peu importe les moyens employés pour pouvoir continuer. L’Islande n’est pas qu’un territoire de polar, la poésie résiste à y faire sens et y réussit très bien. 

par Anaïs Kien

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