La défaite de la France en 1940 : un réservoir des fantasmes sur le délitement national

Mai 1940. Les troupes britanniques et françaises vaincues attendent sur les dunes de Dunkerque pour être ramassées par les destroyers et ramenées en Angleterre.
Mai 1940. Les troupes britanniques et françaises vaincues attendent sur les dunes de Dunkerque pour être ramassées par les destroyers et ramenées en Angleterre. ©Getty
Mai 1940. Les troupes britanniques et françaises vaincues attendent sur les dunes de Dunkerque pour être ramassées par les destroyers et ramenées en Angleterre. ©Getty
Mai 1940. Les troupes britanniques et françaises vaincues attendent sur les dunes de Dunkerque pour être ramassées par les destroyers et ramenées en Angleterre. ©Getty
Publicité

Quelles sont les véritables causes de la défaite militaire française face à l'Allemagne nazie ? Cette débâcle, à y regarder de plus près, n'est peut-être pas si honteuse que le régime de Vichy a bien voulu le faire croire. Une histoire hautement culpabilisante à revisiter...

L’actualité montre souvent une fâcheuse tendance à suivre le calendrier des commémorations, mais parfois le présent résiste. Cette année on commémore 1940, la défaite militaire française face aux forces militaires du nazisme. Un anniversaire difficile à imposer, pas facile de lever l’enthousiasme général pour se souvenir d’une telle déculottée.  

Juin 1940, ça n’est pas seulement une défaite c’est aussi un seuil bientôt franchi vers la collaboration. Avec une envie furieuse de se dire « et si …. », dans un jeu des possibles pour explorer les pistes par lesquels ces pages de l’histoire auraient pu nous être épargnées. Mais l’exercice ne peut être que théorique. La défaite est là avec ses légendes, ses railleries, mais heureusement aussi avec l’histoire, des bibliothèques entières sont consacrées au sujet pour répondre à la multitude de question que l’évocation de cet épisode de notre histoire suscite invariablement depuis qu’il s’est produit. Que s’est-il passé en juin 1940 ? Alors que les Alliés avaient gagné en 1918, alors que l’Allemagne avait été mise à genoux par le traité de Versailles, son armée interdite et ses finances asséchées pour réparer ses appétits coupables de 1914. La faute au défaitisme ? A la dégénérescence du patriotisme français ? Au délitement des mœurs qui sera mis en avant par Vichy dans une stratégie de culpabilisation d’une société bientôt reprise en main selon les lois liberticides de la Révolution nationale. Nos soldats étaient-ils mauvais ? Le bolchévisme, la déchristianisation et les congés payés avaient-ils eu raison de la vitalité de la jeunesse ? Et si la France ne s’était finalement battue qu’en se pinçant le nez avec peu de chance de faire preuve d’efficacité ? 1940 est un réservoir de fantasmes de l’imaginaire du délitement national qui dépasse largement l’évènement dont il est question ici.  

Publicité

Mais cette année 1940 est aujourd’hui réévaluée, un peu de nuances dans la compréhension d’un moment historique que l’on répugnait à regarder de trop près. Il en ressort que les reconstructions postérieures de la débâcle ont largement été instrumentalisées par le régime de Vichy dans un premier temps et ensuite dans une toute autre perspective par les gouvernements d’après-guerre pour enterrer la Troisième République. Nicolas Weill s’est livré pour le quotidien Le Monde à une revue des publications sur la question parmi lesquelles l’historien américain Philip Nord décrit une France combattante qui ne démérite pas sur le front de la Somme face au combat héroïque des britanniques sur les plages de Dunkerque malgré un état-major peu enclin à l’innovation et malgré, surtout, ces mois d’attente destructeurs de la Drôle de guerre qui séparent sa déclaration, le 1er septembre 1939, des premières batailles, livrées en mai 1940. Huit mois qui ont sévèrement miné le moral des troupes. Toutefois, insiste Philip Nord : «les Allemands n’ont gagné que grâce à une attaque surprise extrêmement risquée, et ont été eux-mêmes étonnés de (cette) percée (…) qualifiée de “miracle”». Une analyse qui puise ses arguments dans une histoire-bataille souvent dévaluée qui semble revenir en grâce à cette occasion appuyée par une histoire sociale toujours éclairante.  Et une occasion supplémentaire de constater que l’histoire n’est jamais définitivement écrite. 

Liens :

L'équipe