Le conflit n'est pas nouveau, il baigne dans les eaux de l'Atlantique nord depuis des siècles ! Cette zone de pêche reste un espace européen hautement conflictuelle. L'expression "s'engueuler comme du poisson pourri" semble prendre ici tout son sens.
Les négociations entre la Grande Bretagne et l’Union européenne reprennent aujourd’hui avec leur longue litanie d’épineux dossiers qui fâchent. Parmi les points de discorde, il y a bien sûr la frontière de l’Irlande du Nord, mais aussi la pêche. Un sujet ardent qui intéresse assez peu les citoyens européens en dehors des lobbyistes et des industries de la pêche. Et pourtant les conflits autour de la pêche constituent une épopée sans fin, une actualité toujours renouvelée depuis le Moyen Age et l’avènement du christianisme qui prescrit de manger du poisson et exige donc que ceux–ci arrivent massivement sur les tables. Le problème est pourtant assez simple : qui a le droit de pêcher, et où, sujet radioactif par excellence.
Dans ces conflits autour de la pêche un acteur incontestable s’est imposé à proximité des côtes européennes : l’Islande. Un pays minuscule qui n’existait même pas avant le IXe siècle, indépendant puis rapidement colonisé par la Norvège, elle-même défaite par le Danemark qui restera souverain au pays des macareux jusqu’à la Deuxième guerre mondiale. Le problème : les eaux autour de l’Islande sont particulièrement poissonneuses et les pays d’Europe occidentale viennent s’y fournir sans grande considération pour cette colonie scandinave du bout du monde connu.
Mais l’Islande a mis les moyens sur la table pour défendre ses ressources halieutiques assez tôt. En 2015 un décret local en vigueur depuis quatre siècles a été aboli par le Parlement islandais qui autorisait à tuer les Basques en Islande depuis 1615 pour leur interdire la chasse à la baleine. Un autre Etat se voit interdit de séjour après quelques échauffourées sur mer : l’exaspération conduit au meurtre d’un marin anglais sur l’île en 1532, résultat de la rivalité en matière de pêche de l’Angleterre et de la Ligue hanséatique, l’association des villes marchandes germaniques de l’Europe du Nord riveraines de la mer du Nord et de la mer Baltique. Les Anglais sont interdits dans le secteur pendant trois siècles et demi jusqu’au XIXe siècle, où ils réapparaissent avec filets et bateaux dans la région et avec eux le retour des ennuis.
Les pêcheurs anglais et allemands viennent en grand nombre se fournir de manière intensive dans les eaux islandaises à partir des années 1920, sans respecter les frontières marines nationales. L’Islande prend alors sa place au cœur d’une guerre à rebondissement : la guerre de la morue, qui commence en 1958 lorsqu’elle étend de manière unilatérale ses eaux territoriales à non plus 3 mais 12 milles nautiques pour protéger sa zone de pêche. On s’arraisonne, on s’éperonne, on tire au canon, cette guerre de pêcheurs et de garde-côtes connait de nombreux épisodes : les Britanniques envoient leur flotte de guerre pour protéger leurs chalutiers, l’Atlantique nord est devenu un champ de bataille autour du droit de pêche. Un droit de pêche interprété de manière divergente jusqu’à l’intervention des Etats-Unis craignant pour le bon fonctionnement de leur base militaire de Keflavik situé au sud de l’Islande qui sort, pour sa part, victorieuse de ce conflit à rallonge au détriment du Royaume-Uni relégué à 200 milles nautiques de ses côtes avec un coût de 2000 emplois parmi ses pêcheurs et ses travailleurs associés. Fin de la guerre de la morue.
Une guerre de la morue que les pays de l’Union européenne aimeraient éviter de voir renaître à l’occasion du Brexit.
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