La séance de cinéma une histoire intime et collective

Projection d'un film avec Hedy Lamarr . 10/01/1943. (Photo : Herbert Gehr / Collection LIFE Images via Getty Images).
Projection d'un film avec Hedy Lamarr . 10/01/1943. (Photo : Herbert Gehr / Collection LIFE Images via Getty Images). ©Getty
Projection d'un film avec Hedy Lamarr . 10/01/1943. (Photo : Herbert Gehr / Collection LIFE Images via Getty Images). ©Getty
Projection d'un film avec Hedy Lamarr . 10/01/1943. (Photo : Herbert Gehr / Collection LIFE Images via Getty Images). ©Getty
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La fermeture des cinémas pour cause de Covid nous laisse désoeuvrés. Orphelins de cette expérience communautaire, de ces histoires à partager ensemble, du cocon des salles obscure. Dis, quand reviendras-tu ?

Qu’est ce qui nous attache autant à l’idée même du lieu cinéma, de l’expérience de la séance de cinéma ?  

Dans un sondage récent la fermeture des cinémas figure parmi les premières incriminations contre les mesures sanitaires, alors que les plateformes de contenus cinéphiliques et de séries n’ont jamais été aussi nombreuses et se diversifient pour répondre à toutes les attentes des grands classiques, des plus pointues aux plus grands publics en passant par toutes les formes de vies vampires, espionnes, fleur bleue et zombies. 

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Aujourd’hui c’est mercredi et comme il n’est plus nécessaire de l’annoncer les cinémas sont fermés donc il n’y aura pas de sorties extraordinaires, pas de files d’attente sur les trottoirs et pas de miettes de pop corns sur les fauteuils des salles obscures.  

La séance de cinéma c’est une histoire intime et collective. Le sociologue Edgar Morin racontait comment la salle obscure a constitué une matrice réconfortante alors qu’il faisait enfant le deuil de sa mère devant les films soviétiques à la fin des années 1920 ; le réalisateur Luc Moulet, une des figures de la cinéphilie des années 1960, est toujours fier du stylo lumineux qu’une âme charitable lui avait rapportée de Tchécoslovaquie lui permettant de copier les génériques de fin dans le noir qu’il vendait pour pas grand-chose aux magazines spécialisés quand la rareté participait alors du désir de cinéma. Les récits de séance plus ou moins chahutées pendant la Deuxième guerre mondiale devant les actualités filmées en retard ou mensongères pullulent dans les témoignages sur l’Occupation mais on s’y rencontrait et souvent on y trouvait la chaleur qui manquait dans les appartements habités par le rationnement.     

Office démocratique et populaire d’une nouvelle religion, selon l’historien Christian-Marc Bosséno, la séance de cinéma est devenue en un siècle l’espace où chacun peut s’inventer ses propres rituels, ne surtout pas manquer les bandes annonces du début ou au contraire s’y soustraire par peur d’en savoir trop, y aller seul ou accompagné. L’écrivaine Violette Leduc décrivait les visages et les réactions de ses voisins de salle comme autant de spectacles en concurrence avec l’écran, tandis que Serge Daney se rappelait les séances de son enfance et les fantômes d’anciens combattants qui passaient sans bruits avant le grand film pour demander l’aumône aux spectateurs impatients. Le gigantesque critique et historien du cinéma Jean Douchet entrait toujours en empruntant l’allée à droite de la salle, et s’installait de préférence seul pour ne pas être gêné dans ses émotions.   Toutes ces anecdotes inscrites dans l’histoire disent à quel point si les salles de cinéma ne sont pas essentielles à la vie humaine, elles sont les lieux de mémoire et d’expérience partagée d’une certaine joie de vivre.  

Liens :

  • Thomas Messias, On apprécie un film différemment selon le cinéma dans lequel on est, Slate, 01/12/2019. 
  • Edgar Morin, chronique d'un regard, Film documentaire de Céline Gailleurd et Olivier Bohler, Tamasa, Nocturnes Productions - 2015

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