

L'université jouit d'un statut particulier, hérité du Moyen Âge, qui garantit en ses murs son indépendance et celle de ses étudiants. Mais, voilà qu'une loi vient tout remettre en cause. On peut se demander si une université sans chahut, sans ramdam, sans raffut est encore une université ?
La loi de programmation de la recherche, la LPPR, a fait l’objet de nombreuses objections et de débats avant son vote d’adoption, le 9 novembre, mais la dernière critique en date porte sur un ajout de dernière minute qui prévoit un délit d’entrave, passible de 3 ans de prison et de 45 mille euros d’amende. Cette loi sanctionnerait tout individu présent au sein d’une université dans le but de « troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ». La cible de fait de cette interdiction : les nombreux blocages de site, répertoire d’action traditionnel des protestations étudiantes. Une disposition qui a scandalisé, à la veille de son vote et peut-être une transformation profonde de l’expérience universitaire où l’on acquiert des savoirs mais où l’on côtoie aussi une vie politique effervescente, une interrogation de la société par ceux qui en seront les adultes citoyens, les électeurs, les travailleurs, les dirigeants. Si les attentes à l’endroit de l’université concernent la connaissance, dans ses espaces informels, elles concernent tout autant l’acquisition d’un être au monde, ses pratiques et l’apprentissage de l’expression libre des opinions intellectuelles et politiques.
Ce que l’on considère comme Le chahut universitaire n’a-t-il pas à plusieurs reprises constitué un moteur de l’histoire ? On pense évidemment à mai 68, à ses grèves étudiantes, à ses assemblées générales fondatrices qui ont largement contribué aux côtés des mouvements ouvriers à faire accepter les changements qui ne pouvaient plus attendre. Mais bien avant cet évènement, ce qui est souvent considéré négativement comme l’indiscipline universitaire a fait partie intégrante de l’histoire de l’université et de ceux qui la fréquentent.
En 2018, la plateforme Actuel Moyen Age, sous la plume de Florian Besson, réagissait à la violence de la répression d’une occupation étudiante au sein de l’université de Montpellier en rappelant les acquis en matière de libertés universitaires au moment de la fondation de l’institution. Le principe essentiel tenait alors à la protection des étudiants et des professeurs pour assurer l’indépendance de la recherche et la soustraire au pouvoir politique. Des acquis qui permettent encore aujourd’hui de forger les questions qui guident l’avancée de la connaissance en dehors de tout agenda politique ou des orientations utilitaristes d’un gouvernement.
Les étudiants médiévaux, tapageurs, et critiques, interrogeaient déjà les règles du monde social. L’héritage qui persiste est très contesté : les universités jouissent d’une franchise obtenue en 1253 qui « permet de garantir la liberté d'opinion et l'indépendance des facultés.... et au fil des années, il a été repris sans être modifié, comme dans la loi Savary de 1984, ou encore dans la loi Pécresse d’août 2007 ». Un droit qui interdit aux forces de police de pénétrer à l’intérieur d’un campus, sauf à la demande expresse du président ou de la présidente de l’université, ou encore en cas de catastrophe. C’est ce droit à l’interpellation de la société qui est aujourd’hui remise en cause par les applications possible de ce délit d’entrave, au sein du lieu où elle s’exprime librement : l’institution protectrice et le lieu de vie et de société de l’université, l’espace de formation des citoyens qui interrogent la société dans laquelle ils ne s’apprêtent pas à vivre mais dans laquelle ils vivent d’ores et déjà.
Lien :
Billet de blog de Florian Besson, Quand la police tape sur les étudiants, Actuel Moyen Âge, 29:03/2018.
L'équipe
- Production