Le confinement ? Une histoire ordinaire de l’humanité

Photo -  Simon Winnall
Photo -  Simon Winnall ©Getty
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Je me confine, tu te confines, il se confine, nous nous confinons, vous vous confinez, ils se confinent.... Depuis si longtemps.

Un tour de vis dans notre vie confinée est annoncé depuis hier par Gérald Darmanin et on attend avec fébrilité le point d’étape de Jean Castex ce soir sur l’évolution des règles en cours.  Dans le numéro du magazine L’Histoire daté de septembre, consacré à cette pandémie qui change le monde, le préhistorien Jean-Paul Demoule propose une longue histoire du confinement ou comment un étrange phénomène se produit depuis des millénaires : le confinement progressif et volontaire de l’humanité. D’abord parce que l’humain fait figure d’exception avec sa manie de se mouvoir en permanence : la majorité des espèces occupent un territoire circonscrit qui leur apporte ce dont elles ont besoin avec quelques incursions à date fixe pour pallier l’appauvrissement saisonnier de leur ravitaillement. La liste des quelques lieux de vie où les hommes et les femmes s’approvisionnent toute l’année depuis des millénaires pourrait vous étonner : Sibérie, Scandinavie, Japon, Canada. Là, l’occupation humaine est constante et stable, le poisson c’est la vie. 

L'Homme, cet animal mobile

Il y a deux millions d’années nos ancêtres ont poussé leurs explorations toujours plus loin quittant ainsi l’Afrique vers l’Asie, l’Europe et le continent américain. Mais avec la fin d’une glaciation qui avait quand même duré 100 000 ans, l’errance humaine prend progressivement fin. On passe d’un quotidien à parcourir parfois des dizaines de kilomètres par jour, pour le chasseur-cueilleur du paléolithique, à la quasi-immobilité du télétravail. Les chasseurs se font éleveurs et agriculteurs, la sédentarité devient possible et nécessaire au bon développement de ces activités qui permettent de ne plus courir après sa pitance à longueur de journée. La vie s’organise autour de maisons désormais en dur entourées de champs et de pâtures, les humains s’entassent alors les uns avec les autres mais aussi avec leurs animaux domestiques et tous les parasites : rats, puces, blattes, moineaux, pigeons et goélands, pour, sans le savoir, créer un bouillon de culture inédit, une promiscuité chargée en miasmes et maladies de toutes sortes sans oublier la contribution des bêtes sauvages des alentours. Un réservoir viral qui n’empêche par l’augmentation considérable de la population de la planète qui contribue à l’apparition des premières villes, bientôt des premiers immeubles, on s’entasse toujours plus, et leurs fabuleux réservoirs de microbes. Avec l’invention de l’écriture, plus besoin de se voir pour se parler, le temps de transmission est raccourci d’autant plus avec l’électricité et le télégraphe, le téléphone, Internet, et nous voilà ! Sur nos canapés, affalés, tablette en main devant un écran plasma branché sur les chaînes d’information en continue perpétuellement disponibles, sortir pour quoi faire ?   

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Jean-Paul Demoule termine sa démonstration par une citation d’Isaac Asimov, tirée de son œuvre de science-fiction Fondation, un résumé du déroulement de la vie à Trantor, capitale de l’Empire galactique, par la bouche de l’un de ses habitants telle une prophétie : 

« Quand on nait dans une alvéole, qu’on grandit dans un couloir, qu’on travaille dans une cellule et qu’on prend ses vacances dans un solarium où les gens se bousculent, on ne risque rien de moins que la dépression nerveuse, le jour où l’on s’aventure à l’air libre sans rien que le ciel au-dessus de sa tête.” 

Alors si vous avez l’impression parfois, enfermés chez vous, de la quitter un peu, rassurez-vous : le confinement ça n’est pas la fin de l’humanité mais bien l’histoire de l’humanité. 

Lien :

Jean-Paul Demoule, Une longue histoire de confinement, L'Histoire,  mensuel 475,  septembre 2020. 

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