France Mémoire a en charge de fixer la liste des célébrations nationales. Une liste sensible et hautement polémique.
Peut-on dépassionner les célébrations du passé ? Chaque année une liste de célébrations nationales est publiée qui sélectionne des personnages, des œuvres, des évènements marquants, dont le souvenir sera officiellement convoqué dans les mois suivants. Mais les polémiques ont régulièrement perturbé ce calendrier du récit national avec le débat né de l’apparition au programme de Louis-Ferdinand Céline en 2011 et celle de Charles Maurras en 2018. Le nom de ce dernier avait finalement été retiré par la ministre de la Culture en poste alors, Françoise Nyssen, une décision qui avait amené la majorité du Comité à démissionner pour protester contre une censure difficilement compatible avec la réalité de l’histoire de France. L’antisémitisme de Céline et Maurras, s’il devait être condamné, ne pouvait être effacé des mouvements majeurs à garder en mémoire.
Un débat sur les mots pour le dire s’était alors ouvert, commémorer n’était-ce par rendre hommage et devait-on garder les mots "célébrations" ou "commémoration", ou leur préférer "devoir de mémoire" ?
Pour pallier ces controverses qui avaient directement atteint le gouvernement, la stratégie du changement d’institution avait été adopté, l’Institut de France est désormais en charge de fixer la fameuse liste annuelle à travers France Mémoire, cette fois sans tutelle du pouvoir exécutif. Xavier Darcos, ancien ministre sous la présidence de Nicolas Sarkozy, devenu chancelier de l’Institut, revient sur son rôle de pacification dans un entretien au Monde. Une mission délicate pilotée par l’historien Yves Bruley et un comité d’académiciens pour établir les anniversaires dignes d’intérêts et appelés à nourrir l’actualité avec l’ambition affichée que "l’histoire, ses grands personnages, fassent partie de ce qui nous relie, et non de ce qui nous divise". Une volonté de modernisation et de diversité qui modère son pouvoir de prescription et un Xavier Darcos qui espère que cette nouvelle politique de commémoration permettra aussi de faire redécouvrir des personnages tombés dans l’oubli, avec une insistance sur la présence dans les célébrations à venir de Pauline Viardot, pianiste et compositrice aux côtés de l’incontournable Napoléon, et agrémenté de figures plus populaires comme Simone Signoret ou Frédéric Dard.
Mais dans ce calendrier des célébrations nationales le gouvernement a gardé un morceau de choix : tous les évènements vieux de moins de cinquante ans et donc l’histoire du temps présent. A France Mémoire, l’histoire longue et parfois lointaine, à l’exécutif les dossiers chauds, la mémoire vive et sa mémoire souvent conflictuelle. A commencer par la guerre d’Algérie. Cédric Pietralunga dans un article sur France Mémoire rappelle que le rapport commandé par Emmanuel Macron à l’historien Benjamin Stora sur "la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie" doit être rendu dans la semaine. Affaire à suivre.
Liens :
- Cédric Pietralunga et Guillaume Fraissard , Xavier Darcos : « Il faut qu’à nouveau l’histoire, ses grands personnages, fassent partie de ce qui nous relie, et non de ce qui nous divise », Le Monde, 16/01/2020.
- Cédric Pietralunga, Commémorations : pour 2021, France Mémoire a choisi Napoléon, La Fontaine ou encore La Commune de Paris, Le Monde, 16/01/2020.
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