Aujourd’hui dans le Journal de l’Histoire, une série, un mythe et de grands inconnus : les druides.
Britannia, la deuxième saison de la série de Jez Butterworth est disponible sur les plateformes américaine et britannique. On avait découvert Aulus Plautius, Kerra, Divis ou la reine Antedia en 2018 dans cette intrigue située au premier siècle de notre ère alors que l’empire romain s’abattait sur l’île de Bretagne pour y imposer sa domination, non sans mal du côté des soldats, un peu inquiets du sort que leur réservait cette terre très étrangère :
- Britannia reste une terre maudite, régie par les morts. Les forêts sont infestées de démons, l'armée du diable. Ils se nourrissent de chair humaine, de mers rouges de serpents, de pieuvres géantes.
- Voilà qui semble bien effrayant. N'est ce pas?
- L'horreur absolue.
- On a tous entendu cette histoire. De quoi vous donner des cauchemars.Publicité
Le druide, une figure fantasmée
Les habitants de Britannia sont vus comme des barbares aux croyances inquiétantes, accompagnés de rumeurs sanglantes, défenseurs d’un territoire que Rome n’a jamais réussi à conquérir entièrement par les armes. Une figure riche en fantasmes a particulièrement séduit les scénaristes de la série : les druides. Figures scarifiées et hallucinées dans la série, férus d’orgies et de sacrifices sanglants, et disposant du pouvoir de contraindre sans limites le peuple qu’ils sont censés guider. Un portrait très éloigné de notre druide national de fiction : le Panoramix d’Astérix, cousin gaulois des insulaires, représenté comme un sage new age, à la fois médecin de campagne, maître des potions et écolo avant l’heure.
A partir de maintenant, je ne vais plus être le seul à connaître la formule de la potion magique. Je vais donc partir à la recherche d'un jeune successeur à qui j'enseignerai la recette de la potion magique qui deviendra le nouveau druide du village ! Panoramix
Les druides de Britannia n’ont pas la générosité d’âme de Panoramix, ils défendent jalousement leur pouvoir, en infligeant l’exil à leurs contradicteurs, c’est la douloureuse expérience de Vidis coupable d’avoir annoncé leur perte à venir.
La figure des druides a nourri de nombreux mythes au premier rang desquels la légende noire choisie par les créateurs de la série qui les présentent sans nuance comme les oppresseurs d’un peuple auquel ils ont confisqué le savoir, à commencer par l’écriture. Mais ça n’est qu’une lecture parmi bien d’autres qui ont gouverné les usages de leur histoire. Les druides ont également nourri l’imaginaire nationaliste et racialiste, repris aussi bien par les discours des origines des états démocratiques que par les tenants d’une civilisation supérieure : de « Nos ancêtres les Gaulois » à la quête nazie, désespérée, de toutes les traces de supériorité d’une race celte introuvable. L’historien Jean-Louis Brunaux a publié une somme sur les druides pour remettre un peu d’histoire dans tout ça :
La première fois qu'on parle des druides, c'est dans les histoire de la philosophie grecque qui ont été écrites au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Ce qui veut dire que dans la Grèce continentale, à Athènes, on connaissait déjà les druides trois siècles avant César. Ce qui montre bien qu'ils avaient une réputation extraordinaire et que les Grecs les considéraient comme des philosophes. Jean-Louis Brunaux
Des druides celtes en Grande-Bretagne ?
C’est leur maîtrise des sciences et leur intérêt pour la philosophie morale qui amène les druides à prendre part à l’exercice du pouvoir politique et qui leur aurait permis de s'emparer de la sphère religieuse sans pour autant devenir prêtres : ils sont les intermédiaires incontournables de la relation aux divinités mais ils sont également maîtres en diplomatie, juges et éducateurs, et dominent la scène politique gauloise de notre côté de la Manche. Car si les témoignages de l’existence des druides en Gaule sont nombreux - et souvent admiratifs - face à cette sagesse barbare, il ne nous reste pas grand chose pour l’affirmer sur le territoire de l’actuel Royaume-Uni. Des druides gaulois, la chose est certaine, mais des druides celtes en Grande-Bretagne, rien ne le prouve. Les historiens et amateurs de civilisations perdues se sont bien fait la guerre sur ce point : peut-on se contenter de témoignages ennemis, exogènes - grecs, romains, voisins - pour y déceler les traces d’une civilisation celte qui aurait essaimé ses pratiques druidiques dans toute l’Europe occidentale ? L’histoire et l’archéologie n’en ont pas trouvé la preuve.
Mais la fiction n’est pas l'exactitude, la série Britannia n’est pas un documentaire, c’est une fable politique sur les dangers pour tous les gouvernants de confisquer le savoir à leur seul profit. Une fragilité aggravée par l’arrivée des Romains avec leur Panthéon, leurs images et leur polygraphie effrénée qui contribuent à mettre en crise la société imaginaire de Britannia dont la deuxième saison annonce l’heure du choix.
par Anaïs Kien
Pour plus d’informations : La série Britannia, disponible en VOD sur myCanal
Sons diffusés :
- Chanson : Hurdy gurdy man par Donovan
- Extrait série TV Britannia de Jez Butterworth
- Extrait du film Astérix - Le secret de la potion magique de Louis Clichy et Alexandre Astier
- Archive : Jean-Louis Bruniaux lors du « Festival des printemps de l’archéologie » à Saint-Dizier, 2019
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