

C'est une histoire déchirante que révèle l'archéologie. Les corps de 215 enfants autochtones exhumés des fosses d'un pensionnat catholique en Colombie britannique témoignent des mauvais traitements dont ils faisaient l'objet. Des témoins parlent de génocide.
Nous sommes aujourd’hui en Colombie britannique où près du site du pensionnat indien de Kamloops, qui a fonctionné de 1890 à la fin des années 1970, 215 dépouilles d’enfants ont été retrouvées lors d’une campagne de détection missionnée par la communauté amérindienne locale. Kamloops, le plus grand pensionnat du Canada, accueillait environ 500 élèves au plus fort de son activité assurée par l'Église catholique jusqu'en 1969, date à laquelle le gouvernement fédéral a pris le relais. Le Premier ministre Justin Trudeau a pris acte des résultats de ces sondages au radar.
La découverte est consternante mais pas surprenante et vient documenter une enquête en cours depuis vingt ans sur le sort des autochtones du Canada conditionné par l’Indian Act, une loi de 1876 qui en faisaient des citoyens de second ordre relayés dans les réserves créées pour l’occasion. Ce statut les obligeait également à confier leurs enfants au système scolaire de leur réserve, financé par l’Etat et dirigé par des missions protestantes et catholiques. Le système a décliné au cours des années 1970 et la dernière école a fermé en 1996. Une commission d’enquête nationale a dénombré la disparition d’au moins 4000 enfants pensionnaires, victimes de mauvais traitement et de négligence en 2015. Des rumeurs couraient depuis longtemps sur l’existence de tombes clandestines et non identifiées dans les écoles ou à proximité, cette dernière découverte permet d’en faire la preuve pour la première fois. C’est un des grands tabous de l’histoire coloniale canadienne dont les survivants, les enfants revenus de ces pensionnats, sont les témoins présents chaque jour dans l’ordinaire du pays. C’est d’ailleurs l’histoire de l’un d’entre eux, Edmund qui ouvre le documentaire de Gwenlaouen Le Gouil Tuer l’Indien dans le cœur de l’enfant, visible sur Arte.tv. Edmund n’a pas grandi en Colombie britannique mais dans le Nord de l’Ontario à Fort Albany dans les années 1950. Il raconte ses huit années passées au pensionnat Sainte Anne : ses cheveux coupés sans ménagement à son arrivée, l’interdiction de parler sa langue maternelle, ses vêtements brûlés et son nouvel uniforme, il raconte aussi les coups reçus, les humiliations et la punition de la chaise électrique qu’il a subi deux fois à l’âge de sept ans. L’organisation d’un traumatisme durable de générations entières d’enfants qui hante encore aujourd’hui les communautés autochtones du Canada. Une politique établie avec l’objectif de sédentariser un peuple nomade, de fragiliser ses relations à son histoire et à sa culture pour mieux contrôler ses territoires et leurs ressources. La commission d’enquête a qualifié dans son rapport le sort réservé aux enfants dans les pensionnats de « génocide culturel ». Depuis les églises protestantes ont présenté leurs excuses, mais le Vatican s’y refuse encore aujourd’hui.
Liens :
- Ian Austen, ‘Horrible History’: Mass Grave of Indigenous Children Reported in Canada, N.Y.T., 28/05/2021.
- Tuer l'indien dans le coeur de l'enfant, film documentaire de Gwenlaouen Le Gouil, Arte, 2020.
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