Les plafonds peints : réseaux sociaux du Moyen Âge ?

Plafond peint à Lagrasse
Plafond peint à Lagrasse
Plafond peint à Lagrasse
Plafond peint à Lagrasse
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Dans le Journal de l’histoire aujourd’hui, on lève le nez pour scruter les plafonds !

Sur la plateforme Mondes sociaux, dans la rubrique "Films du week-end", on vous propose un documentaire du CNRS, Les maisons aux images du Moyen Âge, réalisé par Claude Delhaye où s’exprime d’abord la joie des historiens, parce qu’on trouve encore et toujours en histoire, et c’est très bien comme ça. 

Depuis quelques années, on découvre des centaines, voire des milliers d'images inédites qui bouleversent notre compréhension. C'est un sentiment jouissif de découvrir toute une série de choses dont je pensais que c'était réservé aux archéologues du XIXe siècle, que notre génération ne connaîtrait jamais ça. Pierre-Olivier Dittmar

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Le profane s'installe dans les maisons

Tout commence au château de Capestang, dans l’Hérault, la résidence d'été des archevêques de Narbonne lorsqu’on redécouvre un décor médiéval peint sur des planchettes entre les poutres du plafond. Il faut bien sûr les montrer mais aussi les étudier pour tenter de comprendre ce qu’on a sous les yeux, ou au-dessus de la tête. Dans les derniers siècles du Moyen Age, les images profanes entrent dans les maisons. Cette mode perdure pendant un siècle avant de disparaître pour laisser place à une autre : la Renaissance et ses décors à l’antique. Mais avant le retour des héros et dieux mythologiques, Monique Bourin et Pierre Olivier Dittmar, les historiens qui témoignent dans ce documentaire, s’étonnent, s’émerveillent encore sans trancher sur ce qu’ils ont sous les yeux. Comment expliquer qu'un évêque ait fait peindre des scènes de guerre, des fantassins sans apparat, ou bien la vie courtoise d’une couple ? Pour assis devant sa cheminée, se donner ainsi pour spectacle le plus profane des amours ?

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Et la morale du temps s'expose

Chimistes, archéologues, historiens, architectes des monuments historiques se relaient sur les échafaudages et s’interrogent. Certaines images ont un rôle magique évident de protection comme les lettres « IHS » du monogramme du Christ, d’autres sont moins inoffensives. Dans une chambre du presbytère de Lagrasse, Jean-Pierre Sarret, archéologue médiéviste, nous montre un décor de plafond étonnant, voire franchement incongru.

Je peux vous montrer les scènes les plus coquines que nous ayons dans l'étage, dans cette pièce qui s'insère dans la chambre du curé de Lagrasse. Ce sont des scènes où sont représentées des prostituées en activité, ou en train de se raser le pubis, ou encore en train de recevoir l'écot de leur prestation. Jean-Pierre Sarret 

Si les scènes peintes représentent à la fois le modèle et le contre-modèle, pour exposer la morale du temps, ces plafonds peints sont aussi source de divertissement : on y découvre les canons de la beauté et les ressorts du rire de l’époque, un rire partagé lorsqu’on avait des invités. Les plans de Claude Delhaye sont généreux, on profite pleinement du bestiaire, des monstres, de scènes de guerre ou de scènes grivoises nées de l’imaginaires des artisans. Mais la question demeure : quel sens donner à un décor à la fois intime et social à cinq siècles de distance ? Monique Bourin expose son hypothèse :

C'est l'image qu'on veut donner de soi, et de son entourage, aux gens qui vont pénétrer dans cet univers domestique. Et c'est aussi l'image que l'on a envie de côtoyer quotidiennement. Il faut l'interpréter comme un "sas" entre le goût privé et la représentation publique, sachant que cela est très difficile à distinguer à la période médiévale. Monique Bourin

L’analogie, à condition de l'utiliser avec les précautions requises, peut-être un précieux outil de compréhension du réel des autres. Pierre-Olivier Dittmar considère les plafonds peints du Moyen Age comme les parents lointains des réseaux sociaux de notre époque. L’enquête suit son cours pour éclairer l’histoire et la signification de ces images de l’ordinaire quotidien... mais il est désormais tout à fait conseillé de fixer... les plafonds !

par Anaïs Kien 

Les Nuits de France Culture
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