

Le statut d'otage à une histoire, dès l'antiquité des sources attestent de cette pratique. Les enjeux et le but même de la prise d'otage évoluent aux cours des siècles mais son usage politique se joue toujours sur le terrain des relations internationales.
Malgré la polémique en cours sur le refus de l’ex-otage déclenchée par l’indignation des autorités militaires face à son refus de nommer « terroristes » ses ravisseurs, la libération de Sophie Pétronin a été un soulagement.
Avec la multiplication des guerres non-conventionnelles ou asymétriques, le nombre d’otages semblent avoir atteint une dimension exponentielle, c’est pourtant la nature même du statut d’otage qui s’est vue bouleversée au cours du temps. Si la prise d’otage a toujours été une arme, ses blessures se sont faites différentes, c’est le sujet de l’historien Gilles Ferragu, spécialiste de l’histoire du terrorisme qui a publié cette année une histoire des otages.
Le traitement des otages, une histoire à lire au miroir des relations internationales
A travers les variations dans le temps de la pratique de la prise d’otages c’est l’évolution des relations internationales à laquelle on accède. Dans l’Antiquité l’otage est un gage mais aussi un hôte, celui qui est reçu, accueilli. Dans l’Egypte de pharaons envoyer un otage, c’est une manière d’offrir une garantie. C’est aussi par le moyen de s’assurer que l’ennemi vaincu ne se redressera pas contre le vainqueur, ou encore d’imposer le respect d’un serment ou d’un traité au Moyen Age, grande spécialité des relations entre les royaumes de France et d’Angleterre. L’otage est alors bien traité, signe de reconnaissance mutuelle pour les parties en présence, il peut même se plaindre de ses conditions de détention. Une détention qui peut durer de quelques mois jusqu’à plusieurs années, on renouvelle parfois l’otage lorsque le premier prend trop d’âge et perd de sa valeur d’échange. A Rome, ils sont parfois formés à la romanité. Cette acculturation en fait ainsi des négociateurs, ou des traitres, très qualifiés, comme le général Aetius, otage à la cour d’Alaric au Ve siècle, puis des Huns, ce qui lui permet d’aider à les vaincre en 408, en bon connaisseur de leurs pratiques.
De l'otage donné à l'otage pris : le basculement
L’enlèvement d’otages est précocement lucratif, le ravisseur y trouvant un moyen de se financer. Au prix de quelques désillusion pour celui que l’on négocie : César enlevé dans sa jeunesse est très déçu par le prix fixé pour sa vie. Une blessure narcissique d’avenir. Jusque-là l’otage est clairement distingué du prisonnier mais on passe progressivement à l’otage donné par les siens à l’otage pris : Dans Les fourberies de Scapin, Molière met en scène avec succès les lamentations de Géronte lorsque Scapin lui annonce l’enlèvement, par ailleurs faux, de son fils, qui pourrait lui être rendu contre rançon ou, à défaut, être vendu comme esclave.
Au XXe siècle, l’otage devient une victime expiatoire, une cible, un bouclier humain à partir de 1914. L’otage devient chantage et punition. Dans les guerres asymétriques et non conventionnelles qui se développent au cours du siècle, le preneur d’otage occupe bien souvent la place la plus faible dans le rapport de force. L’otage est un moyen de pression et un moyen de financer une guerre sans Etat, et sans ressources régulières. Avec un second levier : la pression de l’opinion publique. Sous l’Occupation les listes d’otages abattus sont publiées pour terroriser les populations et leur soutien arrière mais des décennies plus tard, au début des années 1980, Margaret Thatcher au pouvoir applique le plus grand silence pour priver l’IRA de son « oxygène médiatique », et se défaire d’une opinion publique en alerte. Car la médiatisation reste la clé du succès de l’opération. Sophie Petronin a d’ailleurs témoigné avoir contribué à la mise en scène photographiée de l’aggravation de son état de santé, convaincue par ses geôliers qu’elle s’aiderait elle-même en contribuant au stratagème.
Gilles Ferragu, Otages, une histoire. De l'Antiquité à nos jours, Folio, 2020.
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