Rwanda : une commission historique qui connait bien des mésaventures

300 crânes sont alignés devant une chapelle le 6/11/1994 au Rwanda alors que les autorités déterminent l'étendue du génocide qui a entraîné la mort d'un million de Tutsis au Rwanda en avril 1994
300 crânes sont alignés devant une chapelle le 6/11/1994 au Rwanda alors que les autorités déterminent l'étendue du génocide qui a entraîné la mort d'un million de Tutsis au Rwanda en avril 1994  ©Getty -  Scott Peterson
300 crânes sont alignés devant une chapelle le 6/11/1994 au Rwanda alors que les autorités déterminent l'étendue du génocide qui a entraîné la mort d'un million de Tutsis au Rwanda en avril 1994 ©Getty - Scott Peterson
300 crânes sont alignés devant une chapelle le 6/11/1994 au Rwanda alors que les autorités déterminent l'étendue du génocide qui a entraîné la mort d'un million de Tutsis au Rwanda en avril 1994 ©Getty - Scott Peterson
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La Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi (1990-1994), est depuis sa création en avril 2019, secouée par les polémiques. La dernière d'entre elles est le fait d'une historienne qui défend l’intervention française Turquoise.

Les commissions historiques, c’est un outil pratique, et parfois efficace, pour faire le point des sources disponibles et des connaissances sur un sujet encore rougeoyant. Emmanuel Macron en a commandées deux qui interrogent des dossiers majeurs de l’histoire de France récente : sur la guerre d’Algérie et sur l’implication de la France au Rwanda. Plus exactement : une « commission de recherches sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis (1990-1994) », nommée il y a un an et demi et qui doit rendre son rapport au printemps 2021, le fruit d’une enquête sur l’implication militaire et politique de la France dans ce pays où 800 000 Tutsis et hutus qui les avaient soutenus ont été exterminés au printemps 1994, selon les estimations de l’ONU. Un sujet sensible et une équipe de chercheuses et de chercheurs qui doit contribuer à faire la lumière sur le rôle de la France avant, pendant et après ce génocide.  Cette dernière commission connait un parcourt difficile depuis sa création : un scandale a éclaté au moment de sa composition qui écartait d’emblée le petit nombre d’historiennes et d’historiens français spécialistes de la question au nom de l’impartialité.  

Malgré cette crise de légitimité inaugurale, la Commission a commencé ses travaux et les archives classifiées ou non ont été ouvertes largement en tout cas jusqu’à l’intervention d’une certaine épidémie accompagnée de ses confinements successifs. Récemment c’est le travail de la commission constituée qui connait des aléas largement relayés par Médiapart : Une de ses membres, Julie d’Andurain, s’est retirée de l’équipe, sans motif officiel, après une polémique déclenchée par la publication par le Canard Enchaîné d’une notice de sa main, datée de 2018, qui affichait une position a priori très favorable à l’intervention française lors de l’opération humanitaire Turquoise mandatée par l’ONU.  Spécialiste de l’histoire militaire, Julie d’Andurain semblait avoir toute sa place dans cette équipe, avec une expertise peu fréquentée par les historiens, précieuse dans le cadre de l’exploration d’un dossier où l’État et l’armée était directement impliqués.  

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Au-delà des conflits d’autorité scientifique, ce qui est ici en jeu, c’est la question du révisionnisme qui travaille l’histoire de ce génocide depuis l’évènement lui-même.  

Chloé Leprince sur le site franceculture.fr fait le point sur cette question sensible dans un article intitulé « Pourquoi vous ne pourrez plus jamais dire "le génocide rwandais" ». Une expression qui alimente la théorie révisionniste du « double génocide » qui voudrait relativiser le génocide par les Hutus du peuple Tutsi en mettant en concurrence les responsabilités des deux ethnies. Une mise au point salutaire sur un travail d’histoire en cours face aux théories complotistes largement utilisées par la défense des responsables du génocide devant la justice pénale internationale.  

Le travail des historiens est essentiel face à la réécriture de cette histoire et les travaux de la commission sont toujours en cours pour apporter des réponses sur les implications françaises. 

Liens :

Théo Englebert, Une historienne décrédibilise la «commission sur le rôle de la France au Rwanda» et suscite l'indignation, Médiapart, 13/11/2020. 

Théo Englebert, Commission Rwanda: l’historienne controversée prend la porte, Médiapart, 16/11/2020. 

Pierre Lepidi et Gaïdz Minassian, Génocide des Tutsi au Rwanda : la commission de recherche détaille sa méthode et ses moyens, Le Monde, 07/04/2020. 

https://www.franceculture.fr/emissions/mecaniques-du-complotisme