Polémiques, conflits, violence policière, émeutes, guerre, attentats… L’époque est à la colère et à la terreur. Ces mots ne cessent de revenir dans l’espace public. Au point que j’en suis venue à me demander si nous en avions oublié ce qu’était la paix…
Paix Vs. Conflit
La paix est une chose dont on ne parle presque jamais, cette absence m’a frappée justement quand j’ai entendu le mot dans la bouche d’Emmanuel Macron en novembre dernier. Quand j’y pense, j’ai l’impression d’ailleurs de n’entendre ce mot que lors de grands événements, de grandes commémorations historiques, ou de grandes réunions internationales, et encore… on y parle plus de “trêve” ou de “sorties de guerre”…
C’est comme si la paix n’était qu’une quête d’un autre temps qu’on croit trop acquise, ou au contraire, un idéal inatteignable. Il y a même quelque chose, je trouve, de vieux dans la notion de paix, comme si elle ne nous concernait plus, comme si elle n’était plus d’actualité, à la mode, au quotidien, en politique et dans les réflexions actuelles.
C’est paradoxal, car on ne cesse pourtant de déplorer, de regretter et même de s’inquiéter d’un climat véhément, dangereux, belliqueux. C’est ça que je trouve surprenant : la paix reste absente de nos esprits, le mot est peu prononcé, alors même que l’on n’arrête pas de pointer les excès de la colère, de la polémique et des conflits.
Pourquoi un tel paradoxe ? Pourquoi s’attacher à la guerre plutôt qu’à la paix ? Serait-il possible de faire le contraire ? De se demander à quoi pourrait ressembler un état pacifique, serein, apaisé ? De l’imaginer, de le penser, de le désirer ?
Paix impalpable
Depuis plus d’un an, des Gilets jaunes jusqu’aux grèves, la violence est au-devant de la scène. On ne peut qu’être frappé par cette omniprésence de l’affrontement, par la dureté des rapports qu’on a aux autres, de la concurrence et la rivalité au travail, la suspicion et la méfiance dans la rue, jusqu’à la méchanceté virtuelle, et j’en passe.
Je ne suis pas naïve, mais je me demande : aurait-on oublié, parce que l’époque est dure, parce que l’on croyait la tranquillité acquise, ce qu’est la paix ? Quand j’y pense, c’est vrai que j’aurais du mal à décrire la paix en tant que telle. Bien sûr, il y a cette idée de sécurité, de tranquillité, d’assurance de pouvoir se déplacer, travailler, aimer sans entraves.
Elle est essentielle, nécessaire, mais elle est aussi comme le bonheur : il est difficile de la décrire. Elle a quelque chose d’impalpable, d’intangible, d’impersonnel, la paix ne se décrit que par ce qu’elle n’est pas : une absence d’entraves, d’oppositions, de violences. C’est tragique mais la guerre, les conflits, la colère ont plus de relief : ils sont des problèmes en tant que tels, ils posent des questions, ils nous frappent, ils nous soulèvent le cœur.
Or, comment décrire un état paisible ? serein ? calme ? pour lui-même ?
A-t-on sacralisé la paix ?
En 1651, Hobbes a construit tout un édifice républicain, le Léviathan, dont la finalité était la paix. En 1795, Kant a lui aussi élaboré un Projet de paix perpétuelle. La paix est une notion importante en philosophie politique. Mais je ne la trouve plus sous la plume des penseurs. Faut-il alors se contenter de dire que l’heure est aux conflits ? que la paix est trop difficile à saisir ? Ce serait trop facile.
La paix a, je crois, quelque chose de grandiose, d’écrasant. Mais je crois aussi qu’on en a fait ça : un idéal, une déesse, un horizon lointain. C’est facile de se dire qu’elle est inaccessible, ça évite de faire des efforts, d’imagination et d’action. On préfère les polémiques aux débats, on préfère l’agression à la réconciliation. La paix serait-elle donc devenue un danger pour nous, nous ferait-elle violence ? C’est à se demander…
Sons diffusés :
- Discours d’Emmanuel Macron, 11 novembre 2019
- RMC, 9 janvier 2020
- Chanson des The Jamaicans, Peace and love
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