Bronzer : épisode 3/5 du podcast La philosophie en cinq activités estivales

Séance de bronzage sur une plage
Séance de bronzage sur une plage ©Getty
Séance de bronzage sur une plage ©Getty
Séance de bronzage sur une plage ©Getty
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Comment bronzer, c’est participer à la grande révolution culturelle de la maîtrise du corps ?

Chose promise, chose due : pour cette sélection d’activité spécial été, entre le vélo et la photo, entre l’angoisse et le voyage, j’ai décidé de m’arrêter sur le bronzage. Cette idée me vient de la parution, en poche, du livre génial de l’historien Pascal Ory, L’invention du bronzage, essai d’une histoire culturelle, d’abord paru en 2008. 

À réécouter : L'invention du bronzage
Les Chemins de la philosophie
59 min

Sur la 4ème de couverture, on peut lire que le sujet a été peu étudié… on s’en doute, puisqu’à priori, rien de moins intéressant pour l’esprit que de s’activer sur ce qui reste une des grandes paresses de l’été, à savoir : lézarder au soleil. Et pourtant, il faut le souligner : bronzer suppose réflexion et organisation ! 

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Comment le bronzage est-il devenu un phénomène culturel, un enjeu politique, une entreprise économique ? Cette question semble tout à la fois anecdotique tant le bronzage paraît un passe-temps futile, et vaste puisqu’il s’agit d’appréhender le bronzage comme un “fait social total”, c’est-à-dire comme un fait biologique, psychologique et sociologique, comme un fait porteur de signes d’une époque, de manières d’être à soi et à l’autre. 

Fait social total ou simple loisir contemporain, Pascal Ory a bien conscience de cette ambivalence du bronzage comme sujet d’étude. Pourtant, dans la lignée de l’Histoire du corps menée par Georges Vigarello, Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine, il se lance dans son exploration, et y voit rien de moins qu’une révolution culturelle. 

Mais que peut révéler le bronzage, ce brunissement des peaux au soleil, cette action de se recouvrir d’une couche imitant le bronze (c’est la définition du Littré), de nous, de nos manières d’être ? 

Comment en est-on venu, non plus à fuir le soleil, mais à le rechercher et à cultiver ses effets sur notre peau, comme en témoigne cette publicité des années 80 pour la pilule Orobronze…? 

Pour sa part, Pascal Ory, dans L’invention du bronzage, insiste sur la révolution culturelle qu’est le bronzage : révolution au sens propre du terme, qui a vu en quelques décennies, passer les peaux de la blancheur virginale au doré, brun et bronzé du soleil. Comment s’est opérée une telle inversion ? Comment s’est donc inventé le bronzage ? Ce sont bien les questions soulevées dans ce livre. 

Pour ma part, le bronzage me fascine tout autant, comme révélateur d’une révolution culturelle, mais surtout parce qu’il fait émaner d’un pur passe-temps une révolution culturelle des corps et une maîtrise de soi. 

Comment en s’allongeant sur une serviette au soleil, en mettant de la crème, en recherchant ou en se protégeant des effets du soleil, participe-t-on chacun à notre manière à cette grande révolution culturelle qu’est le bronzage ? 

Faire la révolution en s’allongeant au soleil, quoi de mieux ? Quoi de mieux que de prendre soin de soi en ne faisant rien ? Que de prôner une maîtrise de son corps tout en se laissant aller ? Quoi de 

mieux que d’inventer et réinventer son rapport aux éléments, comme les rayons UV, tout en se détendant ? 

Loin des années d’exaltation du bronzage, nous sommes désormais plus prudents et au cœur de nos étés trône notre « capital soleil »… mais c’est bien ça qui est fascinant, c’est que notre peau devient, plus qu’une simple surface, une interface entre soi et le monde. 

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