

La philosophie est par définition l'amour de la sagesse, mais philosopher ou lire de la philosophie nous rend-il sage ? Pas sûr... Mais pourquoi la philo devrait-elle nous rendre sage à tout prix ?
Cette semaine, j’ai choisi de vous parler de sagesse. On entend beaucoup ce terme, sous toutes ses formes : de la sagesse intérieure à celle de l’expérience, des enfants qui en manquent à la vertu d’être sage. Sa promotion par le développement personnel trouve un recours évident dans la philosophie, celle-ci étant par définition l’amour de la sagesse.
Mais bizarrement, je n’ai jamais fait, depuis ma découverte de Platon et autres penseurs en terminale, une telle trouvaille. Je ne me sens pas plus sage après avoir lu Epicure, Descartes ou Arendt. D’ailleurs, je ne suis pas sûre au final d’être à la recherche d’une telle vertu. J’ai pourtant essayé, pourquoi ça n’a pas marché ?
Une vertu dépassée ?
La sagesse est un mot qui m’a toujours semblé désuet. Les parents qui trouvent que leur enfant n’est pas sage me semblent appartenir à un autre temps, celui où on envoyait les cancres au coin avec un bonnet d’âne. Quant à ceux qui la recherchent délibérément, je me suis toujours demandé : mais pour quoi faire ? C’est une vraie question : à quoi ça sert d’être sage, si ce n’est pour avoir une récompense comme les enfants à Noël ?
Il s’est trouvé que j’ai eu un bout de réponse il y a quelques années alors que j’allais subir une anesthésie générale. Très stressée, le médecin m’avait demandé ce que je faisais dans la vie pour me faire penser à autre chose. J’ai raconté que je travaillais pour une émission de philosophie, il a eu l’air très étonné et m’a dit : « mais à quoi ça sert de faire de la philosophie, si vous ne pouvez même pas être sage dans ce genre de situations ? ».
Déjà dans les vapes à cause de l’anesthésie, je me suis pourtant souvenue de cette remarque. C’est vrai ça, à quoi pouvait bien me servir la philosophie si ce n’était pas pour atteindre la maîtrise, la prudence, la modération en toutes circonstances ? Et si, depuis la terminale, je n’avais pas perçu cette possibilité pourtant évidente de la philosophie, celle d’être sage et de faire face à n’importe quelle anesthésie ou situation stressante ?
Quel penseur pour quelle sagesse ?
Frédéric Lenoir, c’est un peu notre spécialiste officiel de la sagesse, notamment avec son livre bien nommé : La sagesse expliquée à ceux qui la cherchent. Présentée comme ce qui permet de « grandir en humanité », en plus d’être définie par tout dictionnaire comme la maîtrise de soi, je me demande qui aurait encore envie de ne pas être sage… et moi en premier.
En bonne élève bien sage, j’ai ainsi essayé de me souvenir de pensées de philosophes qui pourraient m’aider à être littérale avec la philosophie, c’est-à-dire à aimer la sagesse. Qui, quel penseur pour me faire atteindre cette vertu et me faire grandir en humanité ?
Tocqueville ? Il m’éclaire sur la démocratie mais il ne m’est hélas d’aucun recours sur le billard, Beauvoir, elle me fascine avec son Deuxième sexe mais elle me rend plus révoltée que sage, Hobbes avec son Léviathan ? Rien de sage dans son Etat monstrueux… Seule une pensée a retenu mon attention, celle des stoïciens : agir sur ce qui ne dépend que de moi et laisser ce qui ne dépend pas de moi de côté.
La sagesse, le contraire de la philosophie ?
J’ai fait venir cette image des stoïciens me répétant en souriant : agis sur ce qui ne dépend que de toi. Et je me suis retrouvée dans une situation délicate : soit tout dépendait de moi, soit plus rien du tout. Je n’ai pas su trouver un juste milieu, oscillant entre me mettre au centre de tout ou à l’écart de tout.
Vous voyez, je n’ai pas su transformer en sagesse quotidienne cette maxime stoïcienne… Mais en fait, j’en ai conclu quelque chose de grave : je crois que la sagesse ne se cherche pas, car elle ne se trouve pas. La sagesse n’existe pas et ne sert à rien. Précisément : être sage, c’est atteindre le rien, c’est enlever en couleurs, en intensité, et rajouter en modération. Au fond : c’est s’anesthésier, et je comprends maintenant pourquoi c’est un anesthésiste qui m’a parlé de sagesse !
Pour moi, la sagesse est le contraire même de la philosophie, engagée, méticuleuse, passionnée, utile mais pas pour prôner des principes où l’on veut que l’humain grandisse alors qu’il devrait s’augmenter… Et si on changeait le mot même de « philosophie » ?
Sons diffusés :
- Chanson de Jean René, Pas sages
- Vidéo Youtube de Ginkgo Ateliers, Méditation guidée - demander conseil à la sagesse intérieure, 09/02/1017
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