

Pirates ou vampires, alcooliques magouilleurs ou suceurs de sang, pourquoi ces anti-héros sont-ils nos nouveaux héros ?
En 1999, paraissait un ouvrage collectif sous le titre La fabrique des héros. L’idée était, d’une part, de se demander si les sociétés modernes avaient besoin de héros, comme les sociétés antiques, et de dégager, d’autre part, les caractéristiques de ces nouveaux héros possibles. Valeur guerrière ou pacifique, goût du sacrifice ou amour de soi, irrationalité ou grande maîtrise de sa force… à quoi et à qui pourraient ressembler nos héros contemporains ?, était l’enjeu de cet ouvrage…
20 ans plus tard, la question semble toujours d’actualité, puisque les éditions Les impressions nouvelles lancent une nouvelle collection… sous le même titre : « La fabrique des héros » ! Et les deux premiers livres viennent de paraître, chacun s’attaquant ou s’attachant à un héros, et le premier porte sur...
Jack Sparrow
Jack Sparrow, le pirate des caraïbes. Il faut le dire, c’est un héros récent, tout jeune, puisqu’il n’a que 16 ans d’existence. Créé par les scénaristes hollywoodiens Ted Elliott et Terry Rosso, tous deux spécialistes du cinéma d’aventures et d’animation, et d’après une attraction du parc Disneyland, interprété par Johnny Depp, Jack Sparrow fait le succès de cette franchise de blockbusters connue donc en France sous le nom de Pirates des Caraïbes.
Jeune, né dans un contexte ultra-capitaliste, mais aussi gaffeur, alcoolique, menteur, on est loin, a priori, des surhommes antiques, incarnation de caractère pas forcément recommandable mais en tout cas de passions cruciales. Que peut donc avoir d’héroïque ce Jack Sparrow ? Que peut d’ailleurs avoir d’héroïque un pirate amoureux du rhum et des magouilles ?
Pour Laurent de Sutter à qui l’on doit de revenir sur la fabrique de ce héros, Jack Sparrow, c’est l’art de la parole, le chantre d’une linguistique pirate, meilleure qu’une arme, plus subtile que la puissance physique, plus drôle qu’un coup de poing sans second degré, plus séduisant que de simples muscles.
En cela, dans sa manière et ses manières, ce héros fait presque figure d’anti-héros, de contre-héros, il hisse un style mal vu, mal famé à une hauteur, à une grandeur à laquelle il ne prétend même pas… Comment comprendre alors ce nouveau héros qui n’en pas les traits ? Aurait-on changé de paradigme ou aurait-on jusqu’ici fermé les yeux sur les vrais héros, ceux qui nous sauvent, non par leur splendeur mais par leur irrésistible pouvoir ?
Nosferatu
Le deuxième livre paru dans cette collection « La fabrique des héros » porte, pour sa part, sur Nosferatu, du nom qu’a donné le réalisateur allemand Murnau à Dracula, lorsqu’il en a fait une des premières adaptations cinématographiques en 1922. Héros de fiction, Nosferatu est-il pour autant un héros tel qu’on l’entend classiquement ? Invisible, prêt à sacrifier le sang des autres et à mastiquer leurs corps jusqu’à la mort, en quoi Nosferatu serait-il héroïque ?
Dans son livre, Olivier Smolders le dit : c’est un anti-héros… mais ce qui lui vaut d’être un héros tout court, c’est sûrement les multiples récits dont il a fait l’objet. Cinéma, littérature, musique, Nosferatu ne se serait-il pas devenu un héros par la fascination qu’il suscite, par le succès qu’il a rencontré, de la même manière que Jack Sparrow a su séduire les foules ?
C’est ici que cette collection semble renouveler l’approche de cette fabrique des héros : car elle ne demande pas que sont ou qui sont les héros en tant que tels, par eux-mêmes, absolument, mais qui sont-ils et que représentent-ils pour nous ? Qu’il s’agisse de linguistique pour Jack Sparrow ou d’adaptations à répétitions pour Nosferatu, ce qui a été fabriqué de héros à travers eux, s’est fait par le public, par le regard posé sur eux, par la relation qui s’est nouée entre eux et des spectateurs ou des lecteurs.
Comment se fabriquent donc les héros ? Eh bien tout simplement grâce à nous, parce qu’on y croit, parce qu’on y adhère, parce qu’ils nous inspirent, mais certainement pas, parce qu’ils en sont !
Sons diffusés :
- Extrait de la bande-annonce du film Pirates des Caraïbes, de Gore Verbinski, en 2003
- Extrait de la bande originale du film Nosferatu de Murnau, en 1922
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