Pourquoi viser le bonheur, comme tous les philosophes, quand on peut avoir la belle vie ? L’essai de Patrick Pharo, La belle vie dorée sur tranche, nous indique la voie !
Mon actualité ce matin, c'est la « belle vie » ! Attention, pas le bonheur ou la bonne vie, ces notions plus fréquentes en philosophe, mais la « belle » vie, vous savez : cette vie faite d'amour, de gloire et de beauté, cette vie quand on dit « Elle est pas belle, la vie ? ».
Bref, cette vie intense qui éclate à travers les plaisirs simples ou les expériences limites, l'ivresse éphémère ou la passion déchirante... cette vie si critiquée par la morale philosophique pour ces raisons. Raisons sans raison, irrationnelles, et qui soulèvent cette question : pourquoi cette belle vie ne pourrait-elle donc pas être viable ?
Aimer, boire et chanter, voici ce que l'on peut entendre par « la belle vie », comme le suggère cette valse de Strauss, mais aussi ce que suggère Patrick Pharo dès les premières pages de son excellent essai sur cette question de la belle vie, et que l'on pourrait donc formuler ainsi : pourquoi aimer, boire et chanter ne pourraient-ils pas être viables, pourquoi ne pourraient-ils pas durer ? Et même s'ils ne durent pas, pourquoi ne pas quand même les rechercher et en faire une vie, sa vie ?
Autrement dit, pourquoi faudrait-il donc chercher le bonheur, durable, prudent, ascétique tant prôné par les philosophes plutôt qu'une vie belle, esthétique, c'est-à-dire vive, extrême, faites de sensations, sans obligation morale, aussi bien compatible avec le cynisme et l'égoïsme qu'avec la vie collective et démocratique ?
Ce sont des questions classiques, des objections classiques que l'on retrouve dans les textes philosophiques eux-mêmes, depuis Platon, mais qui doivent se reposer aujourd'hui : car la belle vie, c'est ce à quoi poussent les sociétés libérales, c'était par exemple le sens de ce slogan de mai 68 comme « jouir sans entraves », et c'est aussi ce que révèlent désormais les recherches neuroscientifiques à propos du cerveau, de sa quête du plaisir à travers le sexe, les jeux et les drogues.
Mais c'est aussi ce que nous montrent les récits singuliers, la littérature et ses héros avides de gloires depuis l'Antiquité et le cinéma. Le cinéma justement ! C'est la matière première de ces questions vitales : 140 films sont cités ici, des séries aussi, d'Aimer, boire et chanter d'Alain Resnais qui reprend son titre de la valse de Strauss à Fanny et Alexandre de Bergman, en passant par Sex and the city ou House of Cards… mais en s'arrêtant surtout sur Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick :
Quoi de mieux qu'un film pour signifier cette tension existentielle, et même organique, entre le bonheur et la belle vie, mais la tension même de la belle vie qui nous intoxique, dont l’idée nous intoxique elle-même…
Quoi de mieux que ces films et récits intimes pour ainsi transformer ce problème de la « belle vie », pour ne plus demander : « pourquoi ne pas la rechercher », mais qu'est-ce qui est recherché et comment le rechercher ? Tout est peut-être une question de dose comme pour les drogues, de dosage et d'équilibre : Patrick Pharo nous parle ainsi d'une éthique de belle vie.
Mais tout est aussi une question de finalité : car finalement, c'est autre chose que l'on cherche. On est en vie, on veut frôler la mort, on s'ennuie, on veut sortir de sa routine, on veut en fait « s'aventurer hors de soi-même ». Et si, donc, la belle vie, c'était cette quête folle de trouver autre chose que la vie elle-même ?
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