

On connaît les "Critiques" d'Emmanuel Kant, sa morale rigoriste et son impératif catégorique, mais de sa vie, que sait-on ? Sait-on comment il travaillait, quel a été son parcours, quel a été son caractère, ou tout simplement, comment il se réveillait ?
Vous souvenez-vous ? Au fil des dernières semaines, je vous ai parlé de la vie de Platon et de celle de Simone de Beauvoir. Aujourd’hui, je vous parle encore d’une vie de philosophe, celle d'Emmanuel Kant, racontée par Roger Aïm dans son livre Emmanuel Kant, une vie à Königsberg, co-éditions
La Simarre et Christian Pirot.Comme pour Platon et Simone de Beauvoir, on peut avoir une certaine idée de Kant : la
Critique de la raison pure, l’impératif catégorique, la morale rigoriste…
Mais comme je le demandais pour Platon et Simone de Beauvoir, de sa vie, à Kant, que sait-on au fond ? Sait-on comment il travaillait, quel a été son parcours, quel a été son caractère, ou tout simplement, comment il se réveillait ?
Les matins d'Emmanuel Kant
Le sage philosophe dormait sept heures par nuit dans une chambre dépourvue de chauffage, quelle qu’en fut la saison, et privée de la lumière du jour. (…) Dès 5 heures du matin, à peine réveillé, encore en robe de chambre, le tricorne posé sur son bonnet de nuit, Kant s’asseyait à sa table de travail. (…) A 7h en été, 8h en hiver, il se rendait à l’Université faire son cours jusqu’à 9h.
L’écrivain Heinrich Heine écrit : « Je ne crois pas que la grande horloge de la cathédrale ait accompli sa tâche visible avec moins de passion et plus de régularité que son compatriote Emmanuel Kant. » En effet, c’était si vrai que les habitants de Königsberg, lorsqu’ils le voyaient à l’heure dite, tout en le saluant respectueusement, réglaient leur montre à son passage. Il tenait tellement à sa montre qu’il disait souvent : « Si j’étais dans le besoin, ce serait le dernier objet que je vendrais ! ».
De retour, il se déshabillait, remettait sa robe de chambre, chaussait ses pantoufles et travaillait jusqu’à 12h45. A cet instant précis, la cuisinière venait lui dire : « les trois quarts sont sonnés ! » Ou « midi trois quarts ! » Il quittait alors son bureau, s’habillait très soigneusement en costume d’apparat pour recevoir sa petite société d’amis. La mise en scène ou le rituel instauré par Kant était de parler de la température du jour tout en rejoignant la salle à manger. Ce sujet occupait souvent la première partie du repas.
Extrait du livre Emmanuel Kant, une vie à Königsberg, de Roger AïmPublicité
Et la suite de la journée est aussi décrite avec autant de précisions : le repas de midi, la promenade de l’après-midi et la soirée. Tout l’ouvrage est ainsi truffé de détails sur la vie de Kant : de son enfance à ses vieux jours, de son sofa au portrait de Rousseau accroché dans son bureau.
De l'inintérêt de la vie des philosophes
Que sait-on de la vie de Kant ou des philosophes en général ? Mais surtout, que veut-on savoir ? On peut vouloir savoir comment ils ont découvert la philosophie, à quoi ressemblent leurs journées, ou leur manière de travailler. Mais veut-on vraiment savoir comment ils sont au réveil ou à quoi ressembler leurs derniers instants ? Veut-on vraiment connaître leurs goûts et leur psychologie ?
Vous me direz : pourquoi ? Et je vous dirai : et pourquoi pas ? Alors certes, ça n’a aucun intérêt. Mais alors ? On se garde toujours de pénétrer dans l’intimité des philosophes, d’aller trop loin dans ce qui relèverait du privé, comme si le monde des idées snobait la vie ou comme si la vie devait être elle-même une matière philosophique pour être mentionnée.
Quand on veut parler de la vie des philosophes, on fait ainsi des points biographiques, on tente de découvrir des faces cachées, on décèle des anecdotes seulement quand ils sont à même de révéler la genèse d’une œuvre.
Mais pourquoi ne pas se dire qu’on aimerait juste savoir qui et comment étaient les philosophes.
Pourquoi ne pas se dire qu’on aimerait tout simplement savoir ce qu’ils aimaient faire, voir, ou pas, et même comment ils étaient au réveil…
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