

Fatigue, stress, maux de tête… la douleur a envahi notre quotidien. Mais quelle est-elle ? Est-elle le signe d’une cause concrète ou caractérise-t-elle entièrement la personne qui souffre ?
Qu’est-ce que la douleur ? On entend souvent, notamment en cette fin d’année scolaire, les uns et les autres, et nous les premiers, se plaindre : de la fatigue, du stress, de maux de tête ou de dos, du mauvais temps qui nous met le moral dans les chaussettes, etc….
Mais est-ce de la douleur ? Tous ces maux sont-ils de la douleur ? Ou est-elle plus que ça ?
Douleur-symptôme et douleur-chronique
Impossible d’évoquer la douleur sans évoquer Le malade imaginaire de Molière. Argan, c’est la figure de la douleur faite homme, de la douleur devenue un état permanent.
Dans L’Homme douloureux, ouvrage écrit par Guy Simonnet, Bernard Laurent et David Le Breton, respectivement neurobiologiste, médecin de la douleur et anthropologue, tout le propos part de cette première distinction entre une douleur-symptôme et une douleur-chronique, devenue maladie à part entière.
Pour eux, cette douleur-maladie est l’un des enjeux majeurs de la médecine aujourd’hui, car elle implique de revenir sur toute une conception que l’on a de l’homme malade, un homme réduit à un corps dont seuls quelques mécanismes enrayés créent de la douleur.
Mais que dire aujourd’hui de cette douleur qui n’est liée à aucune cause physique claire et curable, mais relève de la personne tout entière ? Si la médecine doit la prendre au sérieux, comment la traiter, comment la définir ? Que dit-elle de nous ? La douleur serait-elle devenue une manière de vivre pour beaucoup, une manière d’être ?
Quand la douleur saisit toute la personne
Juger de l’évolution de la douleur, voir comment elle est passée d’un symptôme à un état, une manière de vivre et d’être, suppose de voir comment elle se manifeste, à travers quels signes elle apparaît. Mais ce qui est ambiguë avec la douleur, c’est qu’on a malgré cela, toujours tendance à l’associer à un mal précis. Même quand elle est chronique, qu’on soit le patient ou le soignant, on essaie d’en trouver la cause concrète.
Mais où situer la douleur quand elle est tout le temps là, quand elle nous accompagne au jour le jour et nous déborde ? Plutôt que de demander : qu’est-ce que la douleur, quelle en est la cause, on devrait ainsi se demander quelle forme elle prend, comment elle traverse le corps, le transforme, jusqu’à prendre toute la personne, jusqu’à saisir même sa parole, et faire de tous ses mots des plaintes incessantes ?
La mise en scène de la douleur
La douleur a donc ceci de particulier aujourd’hui : elle infuse le corps, l’esprit, nos gestes, nos visages, nos paroles. Dans Ninfa dolorosa, le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman, mène l’enquête sur tous ces gestes de lamentation qui ont tant été travaillés par les artistes : le deuil, la souffrance, la peine.
La douleur s’exprime autant qu’elle se regarde, la douleur a forcément quelque chose de la mise en scène, du spectacle, on montre que l’on va mal, que l’on est mal, on le dit, on l’exprime, ce qui jette forcément le trouble sur la véracité de la douleur.
Alors même qu’elle se généralise et qu’elle est prise au sérieux, elle est malgré tout suspecte, d’être jouée, d’être fausse. Mais, après tout, pourquoi il y aurait là un problème : si la douleur ne tient plus à l’objectivité, mais au sujet lui-même, autant le prendre lui au sérieux, même quand il en fait trop, car là est la douleur, dans cette insistance à dire que l’on va mal, peu importe si c’est vrai ou pas.
Sons diffusés :
- Le malade imaginaire de Molière, Acte I, Scène 1, par la Société des Comédiens Français, France Culture, 10/12/1974
- Bande-annonce du film Knock de Guy Lefranc, 1950
- Chanson de Camille, Ta douleur
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