Faut-il sortir de sa zone de confort ? : épisode • 20 du podcast Anti-manuel de philosophie

Faut-il sortir de sa zone de confort ?
Faut-il sortir de sa zone de confort ?  ©Getty - Malte Mueller
Faut-il sortir de sa zone de confort ? ©Getty - Malte Mueller
Faut-il sortir de sa zone de confort ? ©Getty - Malte Mueller
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Vous avez certainement déjà entendu cette expression de “zone de confort” et l’injonction qui va avec : “en sortir”. Mais pourquoi devrait-on sortir de ce à quoi nous aspirons, ce fameux confort ? Pourquoi vouloir s’extirper de ce qui est rassurant, apaisant, sécurisant ?

Alors que les magazines, les livres et les articles pour bien profiter de l’été fleurissent, et ce, malgré le mauvais temps et la covid, je me suis dit qu’il serait bienvenu, pour cette dernière semaine de la saison, de vous proposer 4 anti-manuels de philosophie. 4 injonctions mi-philo mi-développement perso qui m’ont travaillée ces derniers temps...
Je commence avec celle-ci : 

Ne pas "se reposer sur ses lauriers" 

Voilà… vous avez forcément déjà entendu cette expression de “zone de confort” et l’injonction qui va avec “en sortir”.
A priori, c’est assez simple, il s’agirait d’identifier cette zone puis de s’en extraire, de déterminer de quoi elle est faite pour tenter de voir plus loin qu’elle, pour avancer, pour progresser. Finalement, “sortir de sa zone de confort”, c’est le nouveau ne pas “se reposer sur ses lauriers”. 

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Mais si cette idée semble facilement saisissable, est-ce si facile d’identifier cette zone de confort ? Est-ce si facile, non pas seulement d’en sortir puisque c’est tout l’enjeu, mais déjà de vouloir en sortir ? Et au nom de quoi, pourquoi ? Et pourquoi “zone de confort” et plus “se reposer sur ses lauriers” ou ses acquis... et pourquoi pas endroit de pause, lieu de repos, espace sympa... ? 

Voilà dans quel genre d’abîme de perplexité me plonge cette fameuse zone de confort. La première fois que j’en ai entendu parler, j’ai même trouvé ça complètement absurde : pourquoi sortir de ce à quoi chacun d’entre nous pourrait aspirer, à savoir du confort ? Pourquoi vouloir s’extirper de ce qui est rassurant, apaisant, sécurisant ? Qu’est-ce qui serait donc attractif dans ce qui en est le contraire, à savoir la difficulté, l’inconfort, le malaise ? 

La valorisation du risque 

Pour bien poser le problème que pose cette injonction à “sortir de sa zone de confort”, il faut déjà éclaircir un certain nombre d’éléments qui la composent : l’idée, d’abord, que le confort serait le synonyme du calme plat, de la passivité, ou de l’engluement ; l’idée, par suite, qu’en sortir signifierait forcément, à l’inverse, être actif, avancer, s’éprouver ; l’idée, si je fais la synthèse, que rester confort et en sortir reviendrait donc à une alternative entre stagner et progresser. 

On voit là les couches de présupposés qui ont englouti cette expression devenue un cliché. Il serait bon de progresser et ce mouvement passerait par le fait très concret de sortir d’un certain état. Mais plus que de sortir d’un certain état, comme on passe de la tristesse à la joie, ou du canapé à une salle de sport, il s’agirait que cette sortie nous mette en danger, nous mette mal à l’aise, qu’il y ait là comme une prise de risques. 

C’est cette dimension-là qui me frappe tout particulièrement, et le mot de “confort” n’y est pas pour rien : l’inconfort serait nécessairement le signe que quelque chose se passe, et a priori, ce serait là quelque chose de bien.
Mais d’où vient cette idée que prendre un risque serait forcément un progrès ? Que l’inconfort, bien qu’il dise quelque chose de nous, soit forcément un bienfait ? Et que quelque chose se passe soit d’ailleurs une bonne chose ? 

Certes, je vois bien ce qui est à l’oeuvre : cette valorisation perverse de ce qui nous met ou nous fait mal, ce retournement sournois du malaise en bien-être, cette dialectique perfide de tous ces “ça en vaut bien la peine”, “le travail, c’est la santé”, ou encore, “il faut souffrir pour être belle”.  

Mais ça n’en reste pas moins paradoxal : par quelle magie un mieux-être passerait-il par un moins bien, littéralement par un mal-aise ? Par quel paradoxe devrait-on sacrifier son réel bien-être au nom d’un mieux-être potentiel ? 

Le courage de rester confort 

Ce qui me frappe, avec cette sortie de sa zone de confort, c’est cette concurrence entre le bien-être et le mieux-être.
Être bien, c’est bien, être mieux, c’est mieux. Ça tombe sous le sens, et cette tautologie me va, mais pourquoi vouloir le mieux quand il doit ainsi passer par du mal-être ? Le mieux en vaut-il vraiment la peine ? 

Tout le problème est là, car quand j’y pense, il y a peu de moments de malaise qui ne m’aient apporté autre chose... que du malaise. Il y a peu de risques que j’ai pris sans me demander au final ce qu’ils avaient bien pu m’apporter. Il y a peu de moments d’inconfort que j’ai envie de revivre en me disant que, vraiment, c’était bien d’en baver. 

Je crois, au contraire, qu’il faut beaucoup de courage pour rester dans sa zone de confort, coûte que coûte, que ça demande déjà pas mal d’efforts pour la préserver, trouver le temps, les moyens, les conditions pour en jouir, sans avoir à l’élargir et pour tout gâcher au nom d’un mieux fantasmé.
À quand l’exhortation à rester dans sa zone de confort envers et contre tout ?

Sons diffusés :

  • Vidéo Youtube de Nathalie Martin, Sortir de sa zone de confort, 3 erreurs
  • Chanson de Voyou, Le confort
  • Vidéo Youtube de Fabien Olicard, Comment sortir de sa zone de confort ?

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