L’écrivain et compositeur, E.T.A. Hoffmann, a laissé cet adjectif « hoffmannien », comment ce mot caractérise-t-il toute son œuvre ?
Un peu de musique, et de littérature aujourd’hui, avec une belle biographie de l’écrivain Pierre Péju consacrée à l’écrivain et compositeur, Hoffmann, Ernest Theodor Amadeus Hoffmann, de ses trois prénoms et de son nom. D’ailleurs quand on vous dit ce nom, Hoffmann, à quoi pensez-vous ? Certains diront « fantastique », d’autres « prussien », d’autres encore « musique », et beaucoup, pensant à tout cela, vous diront « contes »…
Les contes d’Hoffmann, opéra fantastique d’Offenbach, est ce qui a assuré la notoriété d’Hoffmann, mais aussi l’existence d’un adjectif comme « hoffmannien ».
Selon Pierre Péju, je cite, « l’hoffmannien caractérise ce léger changement d’optique qui nous fait voir de la bizarrerie dans certaines situations d’apparence banale, ou soupçonner une part de mystère chez une personne que l’on croyait bien connaître. Une forme a bougé derrière la vitre ternie d’une maison déserte. Un être de fiction, sorti d’un opéra ou d’un roman, s’approche de nous et nous adresse la parole. Notre inquiétude augmente. On comprend que la plus paisible des existences dissimule une dangereuse énigme. Partagés entre rire et terreur, nous voilà au cœur de l’hoffmannien ».
Voici les quelques mots de Pierre Péju pour décrire l’hoffmannien, pour tenter de saisir un être, mais aussi un adjectif qui le qualifie entièrement, ce qu’on appelle aussi un caractère… Jusqu’où, d’ailleurs, un adjectif, un nom, pourrait-il caractériser un être, c’est la question qui ouvre cette biographie. Que l’on dise Hoffmann ou « hoffmannien », que l’on dise par exemple Kafka ou « kafkaïen », Balzac ou « balzacien », etc… que l’on décrive aussi une vie, ses grands moments, ses activités, en quoi des mots peuvent-ils prolonger un être ?
La question de caractériser un être, un homme, une vie ou une existence, par des mots, c’est l’enjeu de toute biographie, l’enjeu aussi d’une correspondance comme celle que vous venez de nous faire partager, c’est aussi l’enjeu d’un nom de famille. Jusqu’où un nom peut-il caractériser, prolonger, dire un être ? Mais jusqu’où aussi un nom peut-il renfermer, contenir toute la complexité et l’opacité d’un être ?
Comme on l’a entendu, avec Hoffmann et son nom propre, c’est là toute la question : car « hoffmann » désigne d’emblée la bizarrerie, le changement d’optique, de forme, le soupçon, l’inquiétude, l’énigme. Hoffmann caractérise, pour Pierre Péju, le double, c’est celui qui « existe à travers ses personnages » et qui les réinvente en retour…
Comment ce nom pourrait alors dire quelque chose de son auteur ? Comment un seul nom pourrait-il donc dire à lui seul toute la duplicité d’un auteur qui s’est fait doubler par ses personnages, par ses doubles ?
On pourrait parler d’Hoffmann en rappelant qu’il a été juriste, qu’il s’est accroché à une vie de fonctionnaire prussien, de la fin du XVIIIème au début du XIXème siècle, qu’il a souffert, du foie, des jambes…, qu’il a voulu faire de la musique et aurait pu rester le compositeur d’Ondine, que l’on entend là…, mais qu’il a surtout écrit. Mais dire tout simplement qu’Hoffmann évoque le conte, est tout aussi vrai.
Car il y a quelque chose qui relève bien du conte et du fantastique dans sa vie et dans son œuvre. Ernest Theodor Amadeus Hoffmann, c’est bien le double, celui qui existe à ses travers ses créations étranges, donc, mais aussi celui qui dévoile l’étrange en soi. Ce n’est pas un hasard si Freud s’est ainsi inspiré de son conte L’homme au sable pour fonder sa notion d’inquiétante étrangeté… Et son seul nom, Hoffmann, s’il doit dire une seule chose, c’est bien cette emprise de l’étrange sur l’identité, le familier, le trop connu, emprise qu’il s’agit de cultiver.
Extraits musicaux
-Hoffmann, Grand trio en mi majeur
-Hoffmann, Ondine
-Offenbach, Les contes d’Hoffmann
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