Jules Verne, philosophe du voyage

Illustration de "L'Île mystérieuse", un roman de Jules Verne, paru en 1875
Illustration de "L'Île mystérieuse", un roman de Jules Verne, paru en 1875 ©Getty - De Agostini Picture Library
Illustration de "L'Île mystérieuse", un roman de Jules Verne, paru en 1875 ©Getty - De Agostini Picture Library
Illustration de "L'Île mystérieuse", un roman de Jules Verne, paru en 1875 ©Getty - De Agostini Picture Library
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Quelle ampleur philosophique se dégage de l'oeuvre littéraire de Jules Verne, guidée par le voyage, la quête, l'exploration ?

Jules Verne philosophe ? 

20 000 lieues sous les mers, De la Terre à la Lune, Le Tour du monde en 80 jours, ou encore Cinq semaines en ballon, autant de péripéties, d’aventures, de voyages, qu’a proposés Jules Verne et qui ont séduit plusieurs milliers de lecteurs dont le philosophe Pierre Macherey.
Spécialiste de Spinoza, mais aussi auteur d’Etudes de philosophie littéraire, grand connaisseur de Proust, Macherey consacre tout un essai, tout juste paru, à cet écrivain qu’on associe pourtant très peu à la pensée : En lisant Jules Verne aux éditions de l'incidence.

La Compagnie des auteurs
59 min

Divertissant, en témoignent le nombre assez fou d’adaptations télévisuelles, musicales, radiophoniques, et bien sûr, cinématographiques ; conformiste, dans le traitement des sujets de son époque, qu’il s’agisse de l’industrie ou des avancées de la technique et de la science ; auteur jeunesse, d’abord lu par les enfants ; créateur de personnages sans grande substance… Ce sont les quelques préjugés qui collent à la peau de Jules Verne, faisant de lui un simple “écrivant” pour reprendre le terme de Roland Barthes. 

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Que peut alors lui trouver Pierre Macherey ? Quel motif, quelle ampleur philosophique se dégage, selon lui, de ces voyages extraordinaires ? Si la littérature fait voyager, Jules Verne en se contentant de raconter des périples à travers le monde, ne serait-il pas en fait trop littéral ? 

Etre-au-monde

Dès son introduction, Pierre Macherey le dit : le motif principal dans l’œuvre de Jules Verne, c’est bien le voyage… mais c’est plus précisément le voyage à travers l’espace du monde. On peut appeler cela “voyage”, mais on pourrait aussi parler de mouvement, de déplacement, de chemin, de traversée, de pénétration, de tours et détours, de déviations, etc., etc. L’idée, ce n’est pas tant le voyage, d’un point A à un point B, suivant un plan, mais le voyage en tant que trajet. 

Reprenant une phrase de l’archéologue Leroi-Gourhan qui parle des chasseurs préhistoriques “s’orientant le long d’un trajet plutôt que sur un plan”, Macherey nous livre la clé philosophique de l’œuvre de Verne : parce que ses personnages n’existent qu’en mouvement, à travers les airs, la terre et la mer, ils nous révèlent que vivre, c’est d’abord occuper l’espace, c’est le parcourir, y prendre position, l’habiter. 

De là, apparaît toute la profondeur de Jules Verne : une philosophie de l’être-au-monde, qui s’incarnent à travers des trajectoires, des ratés, des allers retours, des quêtes de territoires et des explorations de soi. 

Lecteurs-spectateurs-explorateurs

“Passer dessus, regarder de haut”, “Tout au bout”, “Plus bas”, “Plongée dans l’inconnaissable”... Ce sont quelques-uns des mouvements qu’effectuent les héros de Jules Verne et qu’analyse, dans ce livre, Pierre Macherey. Ce sont aussi autant de mouvements que nous contemplons, nous lecteurs, immobiles, devant notre page, comme les passagers du Nautilus, au chaud et pourtant actifs à parcourir le monde. 

Nous sommes, nous aussi, les passagers des romans de Jules Verne, spectateurs-explorateurs, nous nous projetons dans l’espace du livre. Si une philosophie de l’être-au-monde se déploie ainsi à travers les Voyages extraordinaires du Capitaine Nemo, Fergusson, Lidenbrock, et autres personnages verniens, cette philosophie prend aussi toute sa forme à travers les pages et les lignes que nous parcourons à notre tour et qui ont été tant exploré par d’autres lecteurs en quête d’un espace imaginaire. 

Sons diffusés :

  • Cinq semaines en ballon, film d’Irwin Allen, 1962
  • Journey to the Centre of the Earth, album de Rick Wakeman, 1974
  • 20 000 lieues sous les mers, film de Richard Fleischer pour les studios Walt Disney, 1954, avec Kirk Douglas

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