Il y a 550 ans, le 3 mai 1469, naissait Nicolas Machiavel. C’est donc un anniversaire que nous fêtons aujourd’hui, mais surtout l’occasion de voir comment le Florentin connaît encore, et malgré son âge avancé, une certaine vitalité… et pas que dans la politique, mais dans le coaching managérial !
Mondialement connu comme l’auteur du Prince notamment, d’un Discours sur la première décade de Tite-Live et d’un Art de la guerre, homme politique ancré à Florence, ville au cœur de la Renaissance italienne, mais aussi fin théoricien d’un républicanisme réaliste, Machiavel a été lu par les plus grands philosophes, Hobbes, Rousseau ou Nietzsche, qui l’ont autant salué que critiqué.
Rare personnalité à avoir donné naissance à un substantif, le machiavélisme (très utilisé quoiqu’assez éloigné désormais de son auteur, ce qui est en fait signe de succès), ce n’est pourtant pas pour cette raison seulement ou pour ses conseils politiques que l’on parle encore aujourd’hui de lui.
Non… coaching entrepreneurial, management, gestion d’un "business", si vous avez une entreprise à gérer, vous tomberez vite sur des vidéos et des articles citant sa pensée… mais Le Prince peut-il vraiment vous aider à bien manager ?
Comment devenir un leader avec Machiavel
Dans un article passionnant, le philosophe Thierry Ménissier, spécialiste de Machiavel, fait un point salutaire sur l’usage de son œuvre dans le management.
Sur quoi repose un tel usage ? Et est-il justifié ? Autant ne pas faire durer le suspense, oui, cet usage est pertinent, mais reste cependant lointain. Pour le dire autrement, si vous êtes chef d'entreprise ou de service, vous trouverez peut-être chez Machiavel de quoi vous aider, mais pas non plus une recette pour briller et mettre vos employés au pas…
Machiavel apparaît d'abord comme un des auteurs de référence pour comprendre, je cite, "comment on devient un leader". Quelles qualités avoir pour gouverner et gérer un pays ou une entreprise ? Comment les utiliser pour commander des hommes pris entre leur ambition infinie et une frustration propre au travail ?
Son œuvre apporte sans conteste des réponses à ces questions : d’abord parce qu’elle met l’accent sur les moyens et sur le comment, c’est une des spécificités de cette théorie, être pragmatique ; mais aussi parce qu’elle mise sur l’habileté du leader, sa "virtu", pour user du conflit, des passions et des tensions pour mener au combat, engager dans une cause et vers un but communs (comme celui de l'entreprise) chacun de ses hommes.
Travailler pour le bien commun ou le bien du chef
Mais là est peut-être le problème d'un usage de cet art politique dans l’art entrepreneurial : jusqu’où peut tenir la puissance d’un chef et la cohésion d’un collectif quand le bien commun est en fait celui d’une entreprise qui n’est que celle d'un chef ? Jusqu’où peut tenir l’osmose quand elle est créée de toutes pièces et quand elle cache derrière le slogan du bien commun un intérêt particulier, à savoir celui de l’entreprise, de son capital et du patron ?
C’est là la limite d'un usage de Machiavel pour bien manager. Quoique réaliste jusqu’au cynisme, les conseils donnés au chef dans Le Prince s’enracinent dans un humanisme qui met la politique au service d’une valeur suprême, au service d’un bien véritablement commun et pas du seul chef et de son intérêt…
Reste cependant que Thierry Ménissier finit sur l’idée machiavélienne de capacité du leader à mobiliser les troupes en cas de situations extraordinaires. De là, à trouver dans son oeuvre des éclairages sur la gestion de situations de crise ou de défis, que connaît tout entreprise, il n’y a qu’un pas.
À défaut de faire de Machiavel le penseur du management, faisons alors de lui le penseur de l’innovation.
Sons diffusés :
- Lecture du Prince de Machiavel par Georges Claisse, dans Les Nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, 02/05/2012
- Bande annonce du film Riens du tout de Cédric Klapisch, 1991
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