

Octobre, ce mois si spécial qui, il y a cent ans, a bouleversé l’histoire de la Russie et l’histoire du monde.
Chronique d'Anastasia Colossimo
Pour être tout à fait exact et pour ne pas nous attirer les foudres d’historiens avertis, la Révolution bolchévique, dite Révolution d’octobre, a eu lieu en novembre. Pour rappel, le calendrier julien, en raison d’un mauvais calcul des années bissextiles, accuse d’un retard de trois jours tous les 400 ans. En 1582, le pape Grégoire XIII décide donc de remplacer le calendrier julien par un nouveau calendrier, appelé depuis le calendrier grégorien. Celui-ci est immédiatement adopté par les Etats se trouvant sous l’autorité de Rome, comme l’Italie, l’Espagne, la Pologne, le Portugal et bien sûr, la France. Ce même calendrier grégorien n’est adopté par la Russie qu’en 1918, à la suite de la révolution d’Octobre de 1917 selon le calendrier julien, qui a donc eu lieu, selon le calendrier grégorien, en novembre. Mais je sens que je vous perds ! Notons par ailleurs que l’Eglise orthodoxe russe, quant à elle, n’a jamais accepté ce calendrier imposé par le gouvernement athée. C’est pour cette raison que l’on parle du Noël russe, fêté le 6 janvier, treize jours après notre Noël à nous.
Bref ! Toute cette petite digression sert mon propos, puisqu’elle est à l’image de la confusion qui règne encore aujourd’hui, en Russie et même en France, autour de cet événement historique.
En Russie, osons le dire, la confusion est totale et tient à la difficulté à nommer l’ennemi. Pour l’Etat d’abord, qui concilie l’irréconciliable : la dépouille de Lénine, l’inventeur du bolchévisme, fait encore l’objet de pèlerinages quotidiens sur la place du Kremlin à Moscou et en même temps (il faut rendre la paternité de ce concept aux russes !) la famille impériale des Romanov, assassinée par les bolchéviques en 1918, a été canonisée en 2000. Pour les russes eux-mêmes ensuite, puisqu’aucun travail de mémoire n’a été fait autour des crimes du communisme, comme cela a pu être le cas dans certains pays du Pacte de Varsovie, en Pologne, dans les pays baltes ou encore en Roumanie. Le meilleur moyen de se saisir de la profondeur de ce problème est sans doute de se tourner vers cette histoire qui a agité les réseaux sociaux russes l’année dernière. Denis Karagodine, un jeune russe qui habite Tomsk, a décidé il y a quelques années de savoir qui avait condamné son arrière-grand-père à être fusillé dans les années de répression stalinienne. En menant son enquête, il a retrouvé dans les archives le nom des trois employés, dont un s’appelait Nikolaï Zyrianov. Cette histoire a fait le tour des réseaux sociaux, jusqu’à ce que la petite fille de ce fameux Nikolaï Zyrianov se manifeste en envoyant une lettre à Karagodine, lettre dans laquelle elle demande pardon pour les crimes de son arrière-grand-père paternel. Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Dans cette même lettre, elle raconte que son arrière-grand-père maternel, lui, avait aussi été victime de la répression. Je la cite : « Ainsi, il s’avère qu’il y a dans une même famille des victimes et des bourreaux ». Mémoire impossible et contradictoire donc.
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