De l’Antiquité à aujourd’hui, les métamorphoses traversent nos identités, mais comment ?
Une anthologie de textes antiques publiée dans l'excellente collection des Belles Lettres, Signets. Le thème est celui, très beau, des métamorphoses. On y trouve, bien sûr, celles d'Ovide, mais aussi celles de l'Enéide de Virgile, de l'Odyssée d'Homère, ou des Fables d'Hygin.
De quoi saisir l’enjeu philosophique de cette question des métamorphoses : l’identité. En quoi l’identité est-elle en jeu dans une métamorphose ? Qu'est-ce qui de soi, en soi, se transforme ? Jusqu'où la forme et ses changements accordent-ils notre âme ?
Pour résumer, les métamorphoses relèvent de trois grands types :
-il y a celles qui expliquent l'avènement du monde et ce qui le compose : les astres (la Grande Ourse), les fleurs (jonquilles, cyprès et narcisse), et les insectes (Arachné devenue araignée) ;
-et puis, il y a celles qui relèvent du jeu et de la ruse, ce sont les déguisements d'Ulysse ou de Zeus
-et enfin, il y a toutes les métamorphoses qui engagent un changement profond : changement d'espèces (homme/animal/végétal), d'apparence (Gygès et son anneau qui le rend invisible), ou de genre (Tirésias et Hermaphrodite pour les plus connus).
Mais à travers ces trois grands types de métamorphoses, subie ou voulue, naturelle ou pas, gratuite ou intéressée, morale ou pas, se joue cette même question : la métamorphose fait-elle changer en un autre OU fait-elle devenir celui que nous avions à être ? Avec La bête et la belle, la bête est devenue telle par punition. Mais ce qui change, au final, c'est moins son corps que son âme. Redevenu homme, est-il devenu lui-même ou s'est-il transformé ?
La question se pose aussi avec toutes les métamorphoses qui frappent par leur caractère irréel, monstrueux... Loups-garou, chimères, hommes-chênes ou hippocampes, ces formes magiques n'en sont pas moins crues. Mais elles semblent moins révélatrices d'elles-mêmes que de nous-mêmes. Elles sont moins des formes extérieures à nous que propres à nous.
Ici, la métamorphose ne concerne pas quelque chose de visible et d'extérieur, mais bien une partie de notre être (inconscient, imaginaire, esprit). C’est ce qui distribue nos repères, prend en charge, comme le chien des Baskerville, toutes nos frayeurs, tous nos rêves ou nos fantasmes, elle nous informe. Face à une métamorphose monstrueuse ou prodigieuse, se révèle ainsi en miroir quelque chose de nous : la nôtre, celle qui nous fait peur, mais toujours et déjà à l'œuvre...
Ces fluctuations de formes sont d'abord humaines. Et cette anthologie ne manque pas de citer la métempsychose, cette migration des âmes après la mort, que l'on trouve chez Platon, ou ce devenir permanent du monde dont parle Lucrèce, « Tout passe, tout change ».
Devenir soi-même ou un autre ? Ou d'autres versions de soi-même ? Ou soi-même comme un autre, pour reprendre Ricœur ? Mais quelle version, quel autre de soi ? Meilleur ou pire ? L'assumer ou le subir ? On aurait tort de penser que les métamorphoses ne concernent que les autres, que l'antiquité, que l'apparence ou qu'une partie de nous.
Dans une continuité des formes, du corps et de l'esprit, des questions et des récits, les métamorphoses travaillent aussi notre futur, d'où ce problème, abordé dans cette anthologie, du transhumanisme. Qui voulons-nous être ? Et comment ? Les métamorphoses des Anciens recèlent d'exemples qui nous permettent de penser le plus ordinaire ou le plus extraordinaire du changement, temporaire ou irréversible, mais avec toujours cette question : qu'engagera-t-il de nous ? S'agira-t-il de s'adapter au monde ou de l'adapter à nos désirs ? De se pétrifier ou de s'animer ?
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