

Comment entrer dans une œuvre, l’embrasser entièrement et ne pas s’y perdre ? Butor nous livre son abécédaire en 6 Cds édités chez Frémeaux et associés.
Une fois n’est pas coutume, c’est quelque chose qui s’écoute qui a aujourd’hui retenu mon attention, et ça tombe bien pour la radio : 6 CDS sortis au début du mois d’octobre, chez Frémeaux et associés, à qui l’on doit, entre autres, La recherche du temps perdu de Proust en version audio, que l’on donne souvent à entendre ici, aux Chemins. Mais cette fois-ci, il s’agit de “Pensées à voix haute”, de l’écrivain Michel Butor, et qui, un peu à la manière de Gilles Deleuze, nous livre son abécédaire…
Comment s’orienter dans une œuvre ?, voici la question, au fond, que posent ces 28 courts entretiens, question qui se pose à quiconque voudrait pénétrer dans l’œuvre originale et expérimentale de Butor, mais qui se pose à quiconque voudrait entrer dans n’importe quelle pensée, système ou monde imaginé ou conceptualisé par un écrivain ou un philosophe.
On pourrait dire que la meilleure manière d’entrer dans une œuvre, c’est par le début… mais par où commencer, par quel bout la prendre, par l’origine ou par le plus accessible ? Dans quel sens se lit donc une œuvre ? Comment ne rien en rater et pouvoir dire “je l’ai lue, je l’aie comprise” ?
A cette question, l’alphabet, aléatoire, encyclopédique, pourrait donc être la meilleure réponse, celle de Butor, tout comme cette autre mise en œuvre et expérience quotidienne qu’est le journal :
Comment s’orienter dans une œuvre ? Ou plus précisément, comment s’orienter dans une œuvre sans donc en perdre une miette, sans préjuger ni mettre de côté ou hiérarchiser ? Faut-il se laisser guider ou faire un choix ? Faut-il commencer par telle ou telle pièce ? Cette question, Michel Butor l’entend presque de manière spatiale, géographique : avec lui, le journal devient ainsi un territoire dans lequel on se balade, une œuvre est une matière qui se tisse et dans laquelle on se faufile, la lettre C est celle du château, le I renvoie aux îles et le W au western qui transgresse les frontières… et puis, il y a, bien sûr, le L du “labyrinthe”, ligne droite qui varie ou qui se multiplie, Butor en préfère une autre…
Comment s’orienter dans une œuvre ? Encore une fois, la question apparaît, mais pas seulement pour savoir comment y entrer, ou comment entièrement, pleinement, l’embrasser, mais tout simplement, pour ne pas s’y perdre… L’alphabet a bien une fin, une œuvre aussi, mais en a-t-on jamais fini ? Tout comme le suggère Butor, et à l’image de la ville moderne, la villa ou du papier, certes finis et limités, une œuvre, un mot sont des lieux de possibilités infinies, qui à partir de la même matière, continuent à s’arpenter sans jamais lasser.
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