Métaphysique superstar

Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je... Métaphysique superstar !
Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je... Métaphysique superstar ! ©Getty - George Peters
Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je... Métaphysique superstar ! ©Getty - George Peters
Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je... Métaphysique superstar ! ©Getty - George Peters
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La mode philosophique est à la métaphysique. Pourquoi faut-il en faire ?

Ce week-end, j’ai lu de la métaphysique. Vous pouvez trouver ça ringard, bizarre, voire pédant… Mais j’ai bien lu de la métaphysique ce weekend. Il faut dire que j’avais été happée par le titre de ce livre qui vient de paraître : Manifeste métaphysique de Raphaël Liogier et Dominique Quessada (aux éditions Les Liens qui libèrent) et par ces quelques lignes qui l’ouvrent : 

Toute évocation de la métaphysique se prête (…) au pesage du moindre mot à la balance électronique, et à une multitude de considérations byzantines – le genre de choses qui, normalement, fait instantanément fuir 98,73 % de la population. Nous allons éviter un tel exercice car l’objet de ce livre n’est pas de faire un pesant étalage d’érudition, mais de poser quelques balises sur ce que pourrait être une métaphysique pour maintenant

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Une métaphysique "pour maintenant" ?

On voudra bien nous pardonner les raccourcis, approximations, à-peu-près, etc. Mais il sera quand même au minimum question d’Aristote, d’Alain Badiou, de René Descartes, de Gramsci, d’Heidegger, de Kant, et de Jim Morrison…

J’ai raccourci la liste des noms donnés au début de ce Manifeste métaphysique... Mais vous comprenez pourquoi j’ai été happée : vouloir remettre au goût du jour la métaphysique avec un tel name-dropping est forcément attractif.
Mais je me suis surtout demandé : à quoi pourrait ressembler une métaphysique pour maintenant ? La formule est doublement frappante : déjà parce que la métaphysique semble déconnectée de toute temporalité, et ensuite, le "pour maintenant" semble sous-entendre que la métaphysique serait utile pour faire quelque chose, pour agir… 

Mais comment ? Que peut nous apporter la métaphysique ? Et la rendre utile, en faire quelque chose pour maintenant, à la sauce Jim Morrison, n’est-ce pas la forcer à être ce qu’elle n’est pas, à savoir un savoir détaché de notre monde et de ses références ?

Le retour de la métaphysique

La philosophie n’a été qu’une longue lutte avec à la métaphysique, pour la remodeler ou pour la critiquer.
Après l’annonce de sa mort, il était donc évident que la métaphysique reviendrait. La philosophie est comme tout, elle a elle aussi ses modes, un jour : c’est Platon qui a la côte, l’autre, c’est Nietzsche, pareil donc pour la métaphysique. 

Déjà, des penseurs contemporains, comme Quentin Meillassoux ou Tristan Garcia avaient sonné le rappel. Une collection aux Presses Universitaires de France, la réapparition de questionnements du type « qu’est-ce que », des tournants métaphysiques même chez les anthropologues, des traités sur les choses, et surtout l’émergence du courant « réalisme spéculatif »… 

Le philosophe Patrice Maniglier explique très bien cette mode dans des entretiens parus au Cerf. Et ce Manifeste le dit aussi : l’époque doit être à la métaphysique.
Pourquoi ? Car on a besoin de revenir à l’essence des choses pour comprendre la manière dont elles s’organisent pour former un monde commun. Mais comment y revenir ? Et dans quel but ? 

Trois arguments en sa faveur

Qui suis-je, d’où viens-je, où vais-je : ces questions à la fois abyssales et basiques doivent être réhabilitées. Pourquoi ? Je vais vous donner trois arguments : 

  • déjà, parce que, loin d’être abstraites : elles se confrontent au réel. Les poser, tenter d’y répondre, c’est formuler des hypothèses sur le réel, à partir de la seule expérience de la pensée, de la spéculation (dont l’économie n’a pas le monopole) 
  • ensuite, parce que ces questions, comme l’explique le Manifeste métaphysique, sont le signe d’un questionnement qui refuse la soumission à l’autorité des choses et des institutions, à partir de sa seule pensée, à partir de soi donc 
  • enfin, parce que se demander de telles choses, c’est revenir aux commencements, aux aurores, pour inaugurer une nouvelle époque. D’où le fait que la métaphysique soit pour maintenant ! 

par Géraldine Mosna-Savoye

Sons diffusés :

  • Chanson des Doors, Moonlight drive
  • Lecture d’Heidegger par Judith Henry 
  • Chanson de Léo Ferré, Metaphysic song