Septième édition des rencontres philosophiques de Langres, qui se déroulent toute cette semaine dans la ville natale de Diderot
Chronique d'Anastasia Colosimo
Ces rencontres philosophiques existent depuis 2011 et ont été créées à l’initiative du Ministère de l’Education nationale dans le cadre du Plan national de formation. Le Plan national de formation se décline en autant de matières que comptent l’école et l’université et propose une formation continue aux professeurs sous forme de conférences et de séminaires dans différentes villes de France. Les conférences et séminaires, dispensés par de grands professeurs et spécialistes étaient d’abord strictement réservés aux professeurs et inspecteurs de philosophie, mais depuis deux ans, elles sont ouvertes au public. D’autant que la ville de Langres a décidé d’entourer ces activités scientifiques par ce que l’administration appelle « un volet culturel », c’est-à-dire une multitude d’événements, spectacles, visites, petit-déjeuner, déjeuners et goûters philos ouverts aux familles, de 7 à 77 ans. Si vous ne pouvez pas vous y rendre, pas de panique ! Les conférences sont filmées et seront rapidement disponible sur le site eduscol. J’en profite pour vous dire que le site contient également des archives de toutes les éditions précédentes des rencontres.
Pour leur septième édition, et après avoir exploré des questions comme la vérité, la liberté, la matière et l’esprit, l'histoire, la religion et le politique, les Rencontres Philosophiques de Langres de 2017 sont consacrées à la nature. Vaste sujet, me direz vous ! C’est à peu près ce que dit aussi l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, puisque la nature y est définie comme un « terme dont on fait différents usages ». En soi déjà, la nature, du latin natura, renvoie très généralement à « ce qui existe depuis la naissance », la nature évoquerait donc tout ce qui n'a pas été modifié depuis la naissance et naturel qualifierait ce qui n'a pas été transformé par un artifice quelconque.
Historiquement ensuite. Si chez les Grecs, la nature, la phusis, recouvre la totalité de ce qui est OU la totalité de ce qui se produit, le christianisme impose l’idée d’une nature créée par Dieu et subordonnée à lui, où l’homme doit se conduire « comme maître et possesseur » selon Descartes. A partir du XVIIIème siècle, le rationalisme fait de la nature à la fois un objet scientifique, comme en témoigne la montée en puissance de la physique, de la biologie ou encore des arts mécaniques, mais aussi un objet politique avec la formalisation de dualismes qui sont encore les nôtres : inné/acquis, nature/culture, naturel/artificiel. Toutes ces conceptions sont centrales dans les débats les plus contemporains à la fois sur la place de l’homme dans la nature, de sa responsabilité vis-à-vis d’elle, mais aussi du degré jusqu’auquel l’homme peut pousser l’artifice sans mettre en péril l’idée-même d’humanité. C’est pour essayer de clarifier toutes ces questions que les rencontres de Langres ont décidé de faire appel à la fois à des philosophes, des juristes et des scientifiques, menés d’une main de maître et sous le regard bienveillant du Grand Paul Mathias, inspecteur général de l’Education nationale.
Le programme est constitué de dix conférences et quatre séminaires. Du côté des conférences, d’abord. Du point de vue de la philosophie et du politique, vous pourrez découvrir ce que la philosophie a à dire de plus que la science sur la nature avec Dominique Horvilleur, vous insurger contre les dérives du positivisme contemporain avec Paul Ducros, vous questionner sur la manière dont il faudrait dépasser individualisme naturaliste et culturalisme collectiviste avec Daniel Andler, vous pourrez aussi travailler à restaurer l’unité de la vie via l’idéalisme allemand avec Patrick Cerutti, et vous interroger, enfin, sur ce que le concept de nature charrie de norme politique et de modèle social avec Thierry Hocquet. Je fais une mention spéciale ici à la conférence de Catherine Fricheau sur le débat entre « jardin à la française » et « jardin à l’anglaise » et qui devrait aboutir sur une réflexion sur le jardin contemporain. Du point de vue du droit, ensuite, vous pourrez vous pencher sur le débat irrésolu entre jusnaturalistes et positivistes avec Thierry Gontier, comprendre les grands défis posés au droit environnemental avec Aliénor Bertrand, et ceux posés au droit civil avec Sarah Vanuxem. Enfin, du point de vue de la science, Marc Lachièze-Rey interviendra sur l’impact des nouvelles découvertes physiques sur notre vision du monde en évoquant à la fois le big bang et la physique quantique.
Quatre séminaires sont proposés ensuite. Là encore se mêleront philosophes, juristes et scientifiques pour éclairer de manière vivante que le concept de nature ne peut être compris que par un véritable effort d’interdisciplinarité.
Bref ! Vous l’aurez compris, ces rencontres promettent d’être passionnantes ! Courrez-y et si vous ne pouvez pas, connectez-vous !
Pour retrouver tout le programme des conférences et séminaires: Rencontres philosophiques de Langres
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