On reste en contact !

On reste en contact !
On reste en contact ! ©Getty -  CSA Images
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Avez-vous reçu, pendant le confinement, des nouvelles de personnes oubliées, surgissant de votre passé ? C'est ce qu'a vécu Géraldine Mosna-Savoye en recevant un message d'un numéro inconnu... Faut-il attendre une crise pour rétablir le contact ?

Ces dernières semaines, j’ai constaté que je recevais beaucoup plus de messages, d’appels et de mails que d’habitude. Normal, nous sommes tous confinés, et il ne reste que ça pour communiquer. J’ai pourtant remarqué deux phénomènes intéressants dans ce "surplus" de communication : d’abord, le fait que l’on se demandait beaucoup plus comment on allait et le fait que ressurgissaient des personnes oubliées, du passé…
D’où ma question : faut-il attendre une crise pour rétablir le contact ? 

Numéro masqué

La semaine dernière, j’ai reçu un message d’un numéro que je ne connaissais pas. À l’inverse, la personne qui se cachait derrière ce numéro semblait très bien me connaître. “J’espère que tu vas bien et que ta petite famille est bien confinée. Je pense beaucoup à toi, bon courage, je t’embrasse”. Voilà en substance le message que j’ai reçu. Dommage pour moi, il n’était pas signé. J’ai envoyé le numéro à différents amis ou proches, personne n’a su m’éclairer… 

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Mais qui était donc cette personne assez à l’aise avec moi, assez proche de moi, pour ne pas signer son message et me parler de ma famille ? Qui était cette personne avec laquelle j’avais dû être proche ? Aucun indice, rien ne transparaissait… J’y ai pensé pendant plusieurs jours, j’ai hésité à répondre un simple "Tout va bien, moi aussi je pense à toi", mais je trouvais ça malhonnête. J’aurais pu rajouter un "Mais désolé, qui es-tu ?", mais je trouvais ça impoli.
Bref, au bout de quelques jours d’hésitations, je n’ai finalement rien répondu… et j’ai laissé ce message emporter avec lui son mystère. Pourtant, il a continué à me trotter dans la tête, car je me suis demandé : que reste-t-il de ces contacts dont on n’a plus le contact et avec lesquels on n’a plus aucun contact ? Sont-ils encore des contacts ? 

Inquiétante étrangeté

Ce genre de situation où une personne vous contacte en toute légitimité et en toute tranquillité mais où vous le recevez comme une irruption troublante, pourrait être une variante de l’inquiétante étrangeté… :
- d’abord, parce qu’on se retrouve toujours à se demander d’où vient l’erreur :  pourquoi n’ai-je pas reconnu cette personne censée m’être connue ? est-ce elle qui se trompe de numéro ou est-ce moi qui ai perdu la tête ? qui est le fou, moi ou elle ?
- ensuite, parce qu’on se retrouve à vivre sur le mode de l’intrusion une intervention qui ne s’est pourtant pas présentée comme telle, qui se voulait même sympathique
- et surtout, si je fais la synthèse des deux : parce que ce genre de situation nous rappelle à quel point un contact quel qu’il soit, même quand on le reconnaît ou qu’on l’apprécie, garde toujours quelque chose d’étranger, d’impromptu, de dérangeant, et chacun de ses messages de nous faire dire “mais que me veut-il celui-là”.
Car moins qu’un ami, mais plus qu’un inconnu total, le contact tient cette place intermédiaire qui n’est ni indispensable ni insignifiante dans sa vie, cette place plus vaste que les amis qui se comptent sur les doigts d’une main et cette place plus vague que les connaissances mondaines.
Au fond, le contact, les contacts qu’on a tous, classés dans nos téléphones, ont ceci de paradoxal : nous ne sommes jamais vraiment en contact avec eux…

Répertoire oublié

Quand on y pense, on ne parle jamais d’un ami comme d’un contact, d’une simple relation, et on ne demande jamais le contact, ses coordonnées, d’une personne que l’on aime, on les connaît ou on les a déjà. Et rien de pire que le "on reste en contact" qui n’a rien de l’envie mais tout de l’obligation à voir quelqu’un.   

Tous ces contacts, ces numéros enregistrés puis oubliés forment certes un répertoire, un fonds de données, mais ils ne disent rien de la nature de nos liens, ils ne sont pas une matière vivante ou le témoignage de notre environnement.
Je suis d’ailleurs toujours étonnée en changeant de téléphone de redécouvrir ces noms et ces chiffres rencontrés dans une autre vie, ils sont des traces d’un passé révolu.
Peut-être pourrais-je rétablir le contact, mais au final, qu’aurais-je à dire ou à communiquer ? 

Sons diffusés :

  • Bande-annonce du film Vous avez un message, de Nora Ephron (1998)
  • Bande-annonce du film Scream, film de Wes Craven (1996)
  • Chanson de Françoise Hardy, Message personnel

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