Où en est-on du soin ?

Peinture de Georges Chicotot
Peinture de Georges Chicotot ©AFP - JOSSE / LEEMAGE
Peinture de Georges Chicotot ©AFP - JOSSE / LEEMAGE
Peinture de Georges Chicotot ©AFP - JOSSE / LEEMAGE
Publicité

Trois essais pour se demander : comment la philosophie peut-elle nous soigner ?

J'ai voulu prendre des nouvelles du soin ! Le soin, le care, vous savez, ce concept qui avait pris de l'ampleur et eu beaucoup d'échos il y a quelques années, rappelez-vous, c'était quand Martine Aubry avait voulu en faire un cheval de bataille politique.

Moins médiatisé aujourd'hui, il n'est pour autant pas oublié des recherches et études philosophiques... en témoignent trois livres qui viennent de paraître. Comment le soin comme concept est-il aujourd'hui travaillé ? Sous quelles formes, avec quelles questions et quels enjeux ? Comment les philosophes se donnent-ils aujourd'hui les moyens de soigner le soin, et par la même occasion, de nous soigner et de faire encore de la philosophie cette grande thérapeutique ?

Publicité

Le froid nous rend-t-il malade ? Peut-on vraiment attraper froid ? Ces questions que l'on se pose à chaque hiver, les voici posées ici avec ce 1er ouvrage qui vient de paraître aux éditions Hermann. Et cet ouvrage tombe à pic, il est réconfortant et il réchauffe, c'est la Petite philosophie du rhume, ou le remède pour ne plus jamais attraper froid, écrit par Maël Lemoine.

Maël Lemoine n'est pas médecin, il est philosophe : spécialisé dans la philosophie des sciences médicales, il n'est pas là pour dire ce qui se passe scientifiquement avec le froid (vrai ou pas), mais pour interroger, avec humour et légèreté, cette idée que l'on a du froid et de ses liens de causalité qu'ils soient supposés, crus ou avérés avec le rhume.

Car là est bien le problème du rhume, que l'on peut étendre à toute maladie, à la santé et au soin : ils sont souvent moins de pétris de sciences et de connaissances que de croyances et de doutes, ils sont moins souvent l'objet d'une méthode et d'une stratégie très protocolaire que de tâtonnements, d'hésitations et d'incertitudes...

Quelles sont ainsi nos manières de penser et d'agir (croyances, connaissances, doutes et certitudes) à propos de la maladie ? Et comment sont-elles concrètement modifiées quand surgit vraiment la maladie, quand notre finalité, c’est la santé, et qu'elles ont désormais à prendre la forme du soin ? Si nos manières n'ont rien de scientifiques, comment toutefois appréhender, apprivoiser, ce qui ne l'est pas, telle la maladie, ou encore le soin auquel nous sommes si peu habitués ?

Sur ce point, il faut évoquer tous les projets d'édition sur le soin et je citerais à cet égard au moins deux collections : la géniale « Questions de soin » aux PUF, dans laquelle vient de paraître Chroniques de la maladie chronique, de Todd Meyers, soit le questionnement au quotidien de l'articulation dans sa vie ordinaire d'un phénomène qui n'a rien d'ordinaire, à partir du récit singulier et passionnant, sur 12 ans, d'une femme touchée de maladies chroniques...

Et puis, je citerais la collection Perspectives du care aux éditions de l'ENS dans laquelle vient de paraître Lire avec soin d'Eric Méchoulan. 

Lire permet-il de soigner ? Lire avec soin, c'est-à-dire attentivement, patiemment, revient-il à prendre soin, à prendre soin de quelqu'un ? Mais de qui et comment ? Si écouter, ouvrir l'œil et l'oreille à toute demande, peut être vu comme une manière de penser et d'agir avec soin, comment lire peut-il relever du soin ?

C'est pourtant la thèse de ce livre d'Eric Méchoulan : lire, ce n'est pas seulement décoder des signes, mais c'est lier. Lire, c'est lier, nous dit-il. C'est-à-dire : c'est savoir déceler, dans un texte, mais aussi dans une situation ou chez une personne, les relations qui s'y jouent et qui peuvent en découler, que l'on peut construire, tisser, des uns aux autres, grâce à eux, avec eux.

Comment donc apprivoiser ce qui ne l'est pas, comme la maladie qui surgit dans le quotidien et qu’on ne la connaît pas ? Et comment la philosophie peut-elle nous y aider, comment peut-elle être ce remède, sans pour autant être médicale ? La réponse est là aussi : en travaillant sur le soin, certes, mais surtout en décrivant avec soin ces expériences vitales.