Socialisme, crise, condition d’étranger, tolérance… comment Paul Ricœur, référence philosophique préférée d’Emmanuel Macron, a-t-il problématisé tous les enjeux de notre époque ?
De Ricœur à aujourd’hui
Bonne nouvelle : vient de paraître aux éditions du Seuil le volume 4 de ses Ecrits et conférences. Après la psychanalyse, l’anthropologie et l’herméneutique, nous avons ici affaire, avec ce 4ème volume, à des textes sur la « politique, l’économie et la société ». Des textes qui étaient en résonance directe avec l’actualité de son époque, mais qui ne sont pas sans rapport, au contraire, avec la nôtre :
-déjà, parce que les choses n’ont sûrement pas tellement changé, nous vivons encore la même époque politique, économique et sociale (ces écrits et conférences ont en effet été donnés pour la plupart entre la fin des années 80 et le début des années 2000) ;
-mais aussi, et par suite, parce qu’il y traite de problèmes spécifiques qui sont encore les nôtres, comme : qu’est-ce que la crise ? A quoi bon le socialisme ? Comment cultiver la tolérance en période de diversité religieuse ? Pourquoi avoir de l’argent semble-t-il toujours suspect ? Ou, question brûlante, comment lire Hegel aujourd’hui ?
-et enfin, parce que Paul Ricœur est lui-même encore très actuel, faisant partie des références les plus citées à la tête de l’Etat.
On l’a beaucoup dit, Emmanuel Macron a côtoyé Paul Ricœur à la fin des années 90. En cela, le philosophe fait tout naturellement partie des figures philosophiques de sa politique. Que Ricœur habite la pensée et l’action d’Emmanuel Macron, que ce dernier habille ou légitime ses discours en citant Ricœur, peu importe ici…
Ce qui est en revanche intéressant, c’est de revenir aux réflexions politiques de Ricœur lui-même. Qu’a-t-il dit et pensé des problèmes que l’on rencontre encore aujourd’hui et qu’un Président a à affronter ? Comment a-t-il problématisé cette situation qui est encore la nôtre ?
La méthode herméneutique, de la politique au bonheur
Plus que la description ou les solutions à ces problèmes, ce qui est frappant à la lecture de ces Ecrits et conférences, c’est bien cette problématisation, comment il parvient à nommer ces problèmes, à les formuler, de la religion, l’espoir à la condition d’étranger. Ce qui est frappant, c’est donc sa méthode herméneutique : toujours revenir au langage, au sens des mots et à leur usage. Puis, de là, toujours mettre en tension, mettre au jour les paradoxes et problématiser ce qui se joue dans ce recours aux mots.
Comme par exemple, avec le socialisme où Ricœur fait apparaître la tension entre son sens hédoniste (la jouissance pour tous) et son sens premier de cri de détresse, ou avec l’argent qui réduit dans l’imaginaire et dans les termes la grandeur à la richesse, ou encore avec la crise.
Dégager les différents sens d’un mot, les confronter puis problématiser, c’est la tâche du philosophe (c’est aussi ce qu’on attend dans les copies de bac philo), et c’est ce qui apparaît dans ces pages. C’est une bonne méthode que chacun peut aussi tenter d’appliquer face aux tensions de l’époque, et pourquoi pas sur des questions privées. Ricœur demande ainsi dans un des textes : « dans quelle langue il est permis de parler des états furtifs de bonheur », et de répondre : si ce n’est pas dans la morale ou la politique, alors dans la poésie
Sons diffusés :
- discours d’Emmanuel Macron devant les Evêques de France (10 avril 2018)
- archive de Paul Ricœur sur la crise (1997)
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