

L’été est l’occasion de lire ou de relire les grands classiques de la philosophie. Aujourd'hui, réflexions sur l'altérité de l'être avec Paul Ricoeur...
Après Sartre et Tocqueville, voici le 3ème livre de philosophie qui change la vie. Paul Ricoeur avec sa thèse inédite : on est Soi-même comme un autre.
Je rappelle que cette sélection ne tient qu’à moi, à vous de proposer la vôtre. J’ai d’ailleurs reçu plusieurs de vos suggestions : L’éthique de Spinoza, en veux-tu en voilà, du Nietzsche par-dessus la tête, surtout Zarathoustra et Le gai savoir, Camus et Sartre à égalité, deux-trois Deleuze, un soupçon de Bergson avec Matière et mémoire… je note aussi les mentions de Martine à la ferme et de Pif Gadget. Mais malgré cela, aucun n’a cité celui dont je vous parle aujourd’hui : Paul Ricœur avec son génial Soi-même comme un autre.
A l'épreuve du texte
En lisant quelques lignes de ce texte, lignes compliquées il faut lire, on est en droit de se demander en quoi Soi-même comme un autre serait un livre « génial », qui change la vie, comme je le prétends.
Et à raison, car oui, c’est un vrai sujet : un livre qui change la vie, livre de philo compris, ne doit-il pas être un livre que l’on prend aussi plaisir à lire ? Et même, n’est-il pas D’ABORD un livre que l’on a aimé, aimé lire, avec une écriture qui nous a plu, qui nous a fait quelque chose, avant d’être un livre dont l’idée nous a bouleversé ?
Sur ce point, c’est vrai : Soi-même comme un autre n’est pas facile à lire, c’est un texte sur lequel on s’arrache les cheveux, entre ipséité, altérité, dialectique, et autres termes fleuris, un texte qui se travaille, qui se découpe en parties, qui s’analyse. Et c’est dans ces conditions-là que je l’ai lu : pendant mes études. Mais c’est aussi comme ça que je l’ai aimé justement, parce qu’il m’a éprouvé, il m’a mis à bout, et il a mis à bout tout ce que je savais, ou pensais savoir sur ce sujet sur l'identité comme altérité.
La difficile affaire de l'identité
Voilà pourquoi j’ai aimé Soi-même comme un autre : parce que c’est un livre exigeant sur sa forme et dans le fond. Parce qu’il se colle autrement à cette affaire cruciale en philosophie et dans la vie : celui de l’identité, du soi, du « qui ». C’est un livre qui ne se donne pas facilement, il faut avoir envie d’en découdre, mais c’est parce qu’il est à la hauteur de son sujet : évoquer l’identité en se passant de Descartes, de Nietzsche et du structuralisme est un sacré pari, évoquer cette question essentielle de « qui suis-je », en misant sur cette idée originale d’identité narrative et en abandonnant l’idée du « moi » et du « je », l’est encore plus.
L'identité narrative
Parler du « soi » plutôt que du « moi », dire qu’on est à la fois, en même temps, soi et un autre, insister, autrement dit, sur l’idée d’identité narrative, qui se raconte, qui se tisse au fil des rencontres, des autres et des circonstances, c’est une des plus belles idées de la philosophie… tout comme ce titre, Soi-même comme un autre, qui est un des plus beaux, mais des plus intenses aussi, des plus ambitieux qu’il soit donné de lire au rayon des classiques.
Petit conseil : si vous vous lancez dans ce genre de lecture, ne sautez pas l’introduction, tout y est dit, et piochez dans le sommaire : en ligne de mire, la 5 et 6ème études notamment sur l’identité personnelle, le soi et l’identité narrative.
Sons diffusés :
- Archive de Paul Ricoeur dans l'émission A voix nue sur France Culture en 1993
- Lecture d'un extrait de Soi-même comme un autre par Georges Claisse, pour les Nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture, diffusion le 5 décembre 2012
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